Analyse électroencéphalographique de l’activité fréquentielle des aires sensorimotrices du néocortex associée à l’attente d’un retour visuel lors d’une tâche de pointage
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Publication date
2018Author(s)
Dufour, Benjamin
Subject
Oscillations cérébralesAbstract
Pour produire un mouvement, les aires motrices du cerveau génèrent ce qui est appelé une commande motrice, qui se rend jusqu’au système musculaire en passant par la moelle épinière. La théorie des modèles internes propose qu’une copie de cette commande motrice, la copie d’efférence, permette de prédire les conséquences sensorielles du mouvement. Une autre théorie, l’inférence active, propose que les aires motrices génèrent de telles prédictions, notamment pour l’envoi de la commande motrice qui serait plutôt une commande d’afférences sensorielles; le système réflexe au niveau de la moelle épinière se chargerait de contrôler les contractions musculaires. Cette théorie est supportée par des études qui observent une modulation de l’activité des aires motrices en fonction des afférences sensorielles, et notamment des conséquences sensorielles d’un mouvement. Ces modulations ont été observées en imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle, en électroencéphalographie avec l’analyse de potentiels évoqués, et même comportementalement avec l’utilisation de la stimulation magnétique transcrânienne. Par contre elles n’ont pas encore été étudiées dans le domaine fréquentiel de l’électroencéphalographie. La bande de fréquence bêta (15-30 Hz) est impliquée dans la planification des mouvements au niveau des aires sensorimotrices, et la bande de fréquence thêta (3-7 Hz) aurait un rôle à jouer dans l’intégration sensorimotrice, dans l’aspect spatial de la planification d’un mouvement, et dans la prédiction d’évènements sensoriels. Nous avons testé l’hypothèse d’une modulation de ces bandes de fréquence au niveau des aires sensorimotrices, en fonction de l’anticipation d’un retour visuel associé à un mouvement de pointage. Les sujets réalisaient un mouvement de pointage vers une cible unique, alors que le retour visuel sous forme de curseur, si présent, pouvait avoir trois directions différentes contrôlées par rotation visuomotrice. Au début de chaque essai, les sujets étaient prévenus de la condition de curseur. Cela permettait d’étudier l’activité fréquentielle au niveau des aires sensorimotrices lors de la planification de mouvements similaires, alors que ces mouvements engendraient des retours visuels différents. Dans les aires sensorimotrices controlatérales, nous avons trouvé une plus grande synchronisation en thêta lorsqu’aucun retour visuel n’était présenté par rapport aux conditions où un curseur était présenté, mais aucune différence associée à la direction du curseur. Nous avons interprété ce résultat en termes d’implication de la bande de fréquence thêta dans un processus de prédiction des conséquences sensorielles des actions, ou dans un processus d’orientation de l’attention vers la modalité sensorielle d’intérêt. Nous n’avons pas trouvé de modulation en bêta dans les aires sensorimotrices controlatérales, mais nous avons trouvé une modulation dans les aires sensorimotrices ipsilatérales, avec une plus grande désynchronisation dans les conditions de rotation visuomotrice par rapport aux conditions où il n’y avait pas de rotation visuomotrice. Cela renforce une idée préétablie selon laquelle la puissance en bêta controlatéral reflète une activité préparatoire générale au mouvement, et suggère que du côté ipsilatéral cette bande de fréquence est impliquée dans des aspects plus cognitifs et/ou visuels du mouvement. Pour contrôler l’implication attentionnelle des sujets dans la tâche, nous avons étudié l’activité en alpha (8-14 Hz) pariéto-occipitale pendant la planification du mouvement. Une désynchronisation plus marquée du côté controlatéral à la direction attendue du curseur par rapport au côté ipsilatéral confirme que les sujets orientaient leur attention du côté où le retour visuel était attendu. Notre étude contribue à la compréhension des processus neurophysiologiques engagés par le cerveau pour la génération des mouvements. Elle a sa place dans une littérature qui considère que l’activité des aires sensorimotrices reflète un lien très étroit entre la perception et l’action.