Desterbecq, Joëlle
[UCL]
(fre)
Notre recherche doctorale porte sur les transformations du cadre de contraintes relationnelles des émissions télévisées invitant des représentants politiques. Deux objets d’analyse construisent notre problématique. Tout d’abord, un ensemble d’indices puisés dans la littérature scientifique permet de distinguer une évolution de la confrontation politique sur la scène télévisuelle vers les jeux de face (Lochard, Soulages, 2003), les stratégies politiques (Strömbäck, Kaid, 2008 ; Gerstlé, 2004 ; Mercier, 2003 ; Neveu, 1997 ; Gerstlé, Duhamel, Davis, 1992), la mise en dérision (Lochard, 2006 ; Neveu, 2003), les mises en scène d’une parole agonale - hyperagressive (McNair, 2010). En convoquant la distinction proposée par Jean-François Revel dès 1966 entre la « polémique de ton » et la « polémique de fond », nous posons alors la question d’une éventuelle inclination du discours de confrontation vers une polémique orientée sur le ton de l’échange. Ensuite, nous appréhendons les évolutions du cadre de contraintes relationnelles en référence à la peopolisation politique. Nous considérons la peopolisation en tant que grille de lecture de l’information politique (Dubied, 2009) dotée de marqueurs énonciatifs distinctifs. Nous nous posons la question de savoir comment cette grille de lecture people de l’information politique s’est sédimentée au fil du temps. Et nous nous interrogeons sur sa diffusion hors de ses terres habituelles d’« édition » (Communication, 2009), c’est-à-dire dans une multiplicité de genres télévisuels (faits d’intentions et de formats différents) auxquels prennent part les représentants politiques. Nous contrastons ces résultats selon les contextes en nous demandant s’il existe différentes formes de discours people selon les paysages télévisuels étudiés.
En effet, notre recherche inclut un corpus transgénérique de programmes télévisuels puisés au sein de quatre paysages audiovisuels distincts – la Belgique francophone, la Belgique néerlandophone, la France et la Grande-Bretagne – répartis sur quatre années issues de grandes étapes de l’histoire télévisuelle en Europe – 1960, 1975, 1990 et 2006. Pour chaque contexte, nous retenons une chaîne de statut socio-économique privé et une chaîne publique.
Le volet empirique de notre recherche comporte deux analyses successives. La première consiste en une analyse sémio-discursive du contenu des productions télévisuelles. Celle-ci intègre la sémiologie de l’image à l’analyse de discours et repose dès lors sur l’examen d’indicateurs puisés tant au sein de la strate verbale des programmes (niveaux communicationnels, discursifs et thématiques) que de la strate visuelle (scénographie, tournage et montage [Amiel, 1989]). La seconde consiste en un examen des variables de contexte susceptibles d’apporter des éléments explicatifs des variations observées. S’agissant de la diffusion de la grille de lecture people, nous approfondissons la recherche des conditions en procédant à une analyse quali-quantitative comparée, fondée sur les Fuzzy Sets (fsQCA) (Ragin, 2008, 2009). Nous nous posons alors la question de savoir quelles chaînes de conditions permettent l’émergence d’un discours peopolisant-people de l’information politique. Nous testons les variables macro et micro-structurelles suivantes : le poids du service public, la culture journalistique, la volatilité électorale, la polarisation du système de partis, la (dis)proportionnalité du système électoral, le statut socio-économique de la chaîne de diffusion, le format du programme et l’intention du programme.
Dans notre conclusion, nous nous employons à relier nos deux objets de recherche en montrant combien la peopolisation de l’information politique et l’évolution du discours de confrontation contribuent à une même évolution du cadre relationnel entre politique et médium télévisuel, faite d’une « désacralisation » du politique (cfr François, Neveu, 1999) couplée à une autoréférentialité médiatique accrue. Nous intégrons ces transformations du cadre de contraintes relationnelles au sein d’une réflexion sur une redéfinition des sphères de l’espace public médiatique conçu dans sa dimension d’espace symbolique (Mercier, 2003 ; Lits, 2009 ; Coman, 2003).
Bibliographic reference |
Desterbecq, Joëlle. Recompositions du cadre de contraintes relationnelles des émissions télévisées invitant des politiques : analyse diachronique et comparative : Belgique, France, Grande-Bretagne. Prom. : Lits, Marc |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/106760 |