Vanoost, Marie
[UCL]
Les mooks, ces revues à mi-chemin entre le magazine et le livre qui se sont développées dans le paysage médiatique d’Europe francophone depuis 2008 et le lancement de XXI, affichent un design volontairement novateur tout en développant un discours de différenciation radicale par rapport à la presse traditionnelle. Cependant, ce discours semble tourné au moins autant vers le passé que vers le présent et l’avenir : s’opposant au mouvement d’accélération et d’amplification que connaît actuellement l’information – principalement sous la pression d’internet –, les mooks veulent revenir au grand reportage, à l’épaisseur d’un récit qui prend son temps. Le premier éditorial de XXI s’ouvre ainsi sur une citation du célèbre Albert Londres – un emprunt que les fondateurs de la revue justifient un peu plus loin dans le texte : « Ce journalisme est éternel, seules ses formes changent. Il est toujours aussi nécessaire. » Si ce journalisme est éternel, les fondateurs des différents mooks en dessinent néanmoins une histoire aux contours très différents. Pour Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de XXI, « la base du journalisme narratif, c’est Albert Londres, c’est Kessel. Enfin voilà, ça vient d’Europe, ensuite c’est reparti aux Etats-Unis, où là ça a été transformé en narrative writing et, comme ça vient des Etats-Unis, ça revient en Europe, mais à l’origine, c’est toujours venu d’ici. » Pour Adrien Bosc, le directeur de publication de Feuilleton – un mook créé en 2011, à la suite de XXI –, les racines sont plutôt américaines : « aux Etats-Unis, il existe le New Yorker, il existe le journal Harper’s, Esquire et je pourrais continuer […]. Tout ça a créé sur des décennies une tradition qui n’existe pas ailleurs, ou très peu. » Cette communication vise à retracer l’histoire du recours au récit dans les traditions journalistiques américaine et française, afin de les mettre en perspective et en dialogue. S’appuyant sur les travaux d’histoire littéraire du journalisme en France (notamment Boucharenc, 2004 ; Kalifa et al., 2012 ; Thérenty, 2007) et ceux d’histoire du journalisme littéraire aux Etats-Unis (notamment Connery, 1992 ; Hartsock, 2000 ; Sims, 2007), elle fera apparaître à quel point les mooks s’inscrivent dans une longue et complexe histoire de résistance aux pratiques journalistiques dominantes.
Bibliographic reference |
Vanoost, Marie. Les mooks ou le nouveau retour du récit en journalisme.Du rétro au néo, entre nostalgie et réinvention. Objets en mouvement ! (Mons (Belgium), du 08/12/2016 au 09/12/2016). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/179837 |