Antoine, Sébastien
[UCL]
(fre)
Partant en quête du caractère politique de la pratique enseignante, la présente recherche plonge ses racines dans une actualisation de la théorie marxiste de l’idéologie : de ses prolongements en philosophie du langage chez Voloshinov et en psychologie sociale chez Vygotski, à son extension à l’étude de la constitution de l’hégémonie, de la consolidation du pouvoir politique de classe, chez Gramsci. Elle ouvre ainsi sur l’évaluation des diverses accentuations idéologiques traversant la pratique enseignante, permettant dès lors d’aborder les professeurs de l’école publique comme « intellectuels » au sens large, comme organisateurs politiques susceptibles de s’affilier à des projets de société fort distincts. C’est sur cette base qu’il a dès lors été possible d’engager une analyse critique du projet d’Éducation à la Citoyenneté Démocratique défendu par l’UNESCO et le Conseil de l’Europe depuis les années 90, comme traduction du projet hégémonique par lequel la classe dirigeante entend interpeller les professionnels de l’éducation publique dans un monde post-chute du mur marqué par l’apparent triomphe de la démocratie libérale et la proclamation de la fin de l’histoire. En Belgique francophone, la concrétisation de ce projet dans le sillage du Décret Missions de 1997 prendra plus particulièrement la forme d’une fusion originale avec la pédagogie par compétences, dont la réforme du programme d’histoire entrepris tournant des années 2000 constitue l’expression paradigmatique. La crise du comité scientifique du manuel traitant du XXe siècle fournira alors l’indice permettant, avec Walter Benjamin, de dégager la conception profondément conformiste de l’histoire qui traverse le nouveau programme, contribuant dans les faits à la fermeture des possibilités politiques du passé, limitant ainsi d’autant l’imagination politique des élèves. Cette recherche se déploie enfin sous la forme d’une ethnographie multicas comparant deux écoles secondaires publiques, l’une à Bruxelles et l’autre à São Paulo. Profondément contrastées du point de vue de leur fond de l’air idéologique, la première se révélera fortement marquée du sceau d’une citoyenneté désincarnée de son contenu de classe, alors que la seconde se trouvera quant à elle littéralement traversée par la dynamique des mouvements sociaux et de la lutte de classes. Suivant la proposition méthodologique défendue par Michael Burawoy, il s’agira alors de procéder à un élargissement de l’étude de cas aux forces sociales et politiques qui dans les sociétés belge et brésilienne ont rendu possibles, voire imaginables, des quotidiens scolaires politiquement si différents. En alliant ethnographie réflexive et sociologie publique, cette thèse entend ainsi dégager de possibles sources d’inspiration à l’imagination concrète d’une tout autre pratique enseignante, d’une tout autre école et, partant, d’une tout autre société.
Bibliographic reference |
Antoine, Sébastien. Enseignement, idéologies et hégémonies : étude de cas élargie de la pratique politique enseignante dans deux écoles secondaires idéologiquement contrastées de Bruxelles et São Paulo. Prom. : Servais, Olivier ; Braga, Ruy |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.1/186316 |