Ces dernières années, le tournant participatif du web « 2.0 » a favorisé l’émergence d’une diversité de pratiques d’échange de biens ou de service, de re-circulation de biens usagés, d’optimisation de l’utilisation de biens durables, ou de production collective d’information coordonnées par l’outil numérique. Dans le discours militant, entrepreneurial ou journalistique, ces pratiques sont généralement désignées par plusieurs appellations utilisées de manière interchangeable : « économie du partage » (« sharing economy »), « économie collaborative », ou encore « consommation collaborative ». Ces appellations ont le désavantage d’entretenir la confusion entre des éléments de description du phénomène, et les prétentions normatives avancées, à plus ou moins juste titre, par les partisans de ces modèles. Pour analyser l’impact distributif de l’économie des plateformes collaboratives, il faut choisir une conception particulière de la justice distributive. Pour illustrer comment mener une telle analyse, nous nous concentrerons sur la question de savoir si les plateformes collaboratives contribuent à réduire les inégalités, et à améliorer les espérances des plus défavorisés (un critère qui s’apparente au principe de différence de Rawls). Nous envisagerons les questions de l’impact de ces plateformes sur les inégalités de pouvoir d’achat, sur les conditions de travail, sur ce que nous appellerons les inégalités informationnelles, avant d’évoquer le mouvement du coopérativisme de plateforme qui ambitionne de répondre aux inégalités créées par ces plateformes.
Lambrecht, Maxime ; et. al. Plateformes collaboratives. In: Patrick Savidan, Dictionnaire des inégalités et de la justice sociale, Presses Universitaires de France : Paris 2018, p. 1727