Kinshasa, ville en devenir : l'engagement dans Mathématiques congolaises et Congo Inc. de In Koli Jean Bofane

Dans Mathématiques congolaises et Congo Inc. Le testament de Bismarck de In Koli Jean Bofane, Kinshasa semble s’animer d’une vie incroyable. Partant de cette première intuition de lecture, nous proposons d’étudier les romans de Jean Bofane sous le prisme de l’engagement. Quel traitement Jean Bofane réserve-t-il aux représentations et à la question, si sensible, de l’identité ? Nous postulons que l’auteur s’éloigne de l’engagement de la négritude, qui prônait la défense d’une identité globale africaine, pour lui préférer un engagement proprement littéraire. Notre travail se divise en trois parties. La première partie est une partie plus historique et informative qui revient sur la création du mythe africain, ainsi que sur les différentes générations d’écrivains africains francophones. Notre seconde partie s’intéresse au traitement des stéréotypes dans les romans de Bofane : celui-ci les reprend explicitement et les intègre à une configuration littéraire qui présente la ville de Kinshasa aux prises avec un chaos qui s’institutionnalise. La capitale devient alors un non-lieu peuplé des fantômes de ses habitants. Enfin, la troisième et dernière partie reprend les notions de littérature mineure de Deleuze et Guattari et de Relation d’Edouard Glissant. Selon nous, ces deux notions nous permettent d’établir les termes de l’engagement de Bofane. Car celui-ci ne fait pas que reprendre les représentations, il joue avec elles et les déjoue afin de créer un quelque chose d’autre. Ses personnages tracent des lignes de fuite dans le monde et s’émancipent pour devenir sujets ; ils déstabilisent ainsi les structures et entrent dans le mouvement illimité. La capitale se fait lieu en devenir. De même, l’écriture de Bofane mélange les langues et bouscule la forme fixe du langage du colon. Ce faisant, l’auteur n’impose aucun Sens, aucune valeur fixe à la société congolaise. Il lui redonne sa voix et lui permet d’être au monde, dans la Relation toujours mouvante qui connecte la multiplicité des centres. L’engagement se fait alors proprement littéraire : la littérature, ainsi débarrassée du Sens totalitaire, devient créatrice, dans le devenir.