L'humanisme civique au service de Philippe le Bon, Les valeurs de la noblesse dans le "Débat" et la "Controversie", traduits par Jean Miélot dans le manuscrit 9278-80 de la KBR

Au milieu du XVe siècle, la noblesse est en plein bouleversement. Elle souffre de plusieurs crises simultanées : la professionnalisation de l’infanterie, l’évolution des armes à feu, la baisse des revenus fonciers, l’avènement de la bourgeoisie des villes, la crise identitaire de l’idéal chevaleresque, la remise en question de leur place dans la société, la croissance du pouvoir princier et la centralisation et la technocratisation de l’Etat. La noblesse en quête de sens s’attache au prince qui devient un élément central de l’identité nobiliaire. Au service de ce dernier, il est possible pour les nobles de justifier leur statut, et aux aspirants à la noblesse de monter dans la hiérarchie sociale. Le manuscrit 9278-80 de la KBR contient deux débats, le Débat d’Aurispa et la Controversie de Buonaccorso, qui ont été traduits par Jean Miélot en 1449-1450 pour Philippe le Bon. Ces textes produits par l’humanisme civique exposent l’avis du courant italien sur la noblesse. Celle-ci se trouve dans la vertu de l’âme. Elle est donc individuelle, intransmissible et ne souffre pas d’éléments extérieurs à l’esprit comme la richesse et la naissance. La noblesse peut être acquise par l’étude des sciences et par le service à la Chose publique. Ce travail analyse chaque texte et replace les valeurs qu’ils prônent dans le contexte de lecture du milieu aristocratique bourguignon. Il en ressort que les valeurs de la noblesse formulées dans ce manuscrit (l’érudition et le service civique) peuvent être perçues différemment par plusieurs publics. Par exemple, les nobles peuvent y voir une opportunité de conserver leur pouvoir en se mettant au service du Duc de Bourgogne et les techniciens du gouvernement central peuvent interpréter que servir leur prince permettra leur ascension à la noblesse. La multiplicité d’interprétations a permis aux débats de ce manuscrit d’être diffusés dans les bibliothèques de l’aristocratie de l’entourage du Duc de Bourgogne.