Estime de soi et discriminations, quels impacts sur l’intention de réaliser un CV vidéo? Etude comparative entre travailleurs et demandeurs d’emploi, au regard de la Théorie du Comportement planifié (Ajzen) et du Sentiment d’Efficacité Personnelle (Bandura) : Suivi de « Regards croisés de professionnels de terrains »

Alors que le CV vidéo fut pendant longtemps un outil complémentaire aux traditionnels CV et lettre de motivation, en particulier dans les domaines artistiques, de la communication et de l’audiovisuel, aujourd’hui il semblerait que l’usage du CV vidéo soit encouragé dans de nombreux secteurs d’activités, sans restriction, quel que soit le statut ou la fonction recherchée. Or, de nombreuses recherches ont démontré les effets du non-emploi sur le bien-être et la santé psychologique des individus. Elles ont aussi cherché à expliquer les processus motivationnels pouvant conduire à la recherche d’emploi. Il est ressorti de ces recherches que la situation de non-emploi est une expérience difficile, voire dramatique pour les individus et que les demandeurs d’emploi sont discriminés par rapport aux travailleurs actifs. En effet, « l’emploi offre un statut dans la société et permet aux individus qui en disposent de jouir d’une identité sociale valorisée. À l’opposé, l’absence d’emploi renvoie, de manière générale, l’individu à un groupe doté d’un attribut socialement dévalorisé et d’une identité négative. Par ailleurs, ce groupe est l’objet d’un stéréotype négatif et la cible de discriminations. Ces quatre caractéristiques signent l’appartenance à un groupe stigmatisé. Les demandeurs d’emploi sont non seulement stigmatisés de par leur statut mais également défavorisés en termes de ressources, qu’il s’agisse du capital économique ou du capital social, tous deux nécessaires à la recherche d’un emploi. En outre, nombreux sont ceux qui cumulent plusieurs stigmates, les critères dits « raciaux », le handicap, les convictions religieuses ou philosophiques, l’âge, le genre et l’orientation sexuelle restent structurellement les plus fréquents en termes de discriminations sur le marché de l’emploi. Il existe donc un risque que la massification du recours au CV vidéo accentue les discriminations à l’égard des demandeurs d’emploi. D’une part, par manque de ressources, voire par autocensure (ce que nous tâcherons de déterminer), et d’autre part, parce qu’il n’existe aucun outil permettant de réduire les risques de discrimination à l’embauche via les CV vidéo. L’enjeu est avant tout de comprendre ce qui va amener les personnes, et surtout les personnes sans emploi, à utiliser un CV vidéo. Plusieurs enjeux se dégagent dès lors de cette recherche : - distinguer quels sont les incitants et les freins à la réalisation et la diffusion d’un CV vidéo, c’est-à-dire relever les éléments prédicteurs de l’intention de réaliser un CV vidéo ; - expliquer les comportements, pour cela nous allons utiliser d’une part la Théorie du comportement planifié (TCP) (Ajzen, 1991) et d’autre part le Sentiment d’efficacité personnelle (SEP), (Bandura, 2003) ; - vérifier la théorie selon laquelle l’estime de soi des demandeurs d’emploi serait inférieure à celle des travailleurs et l’impact des discriminations sur l’estime de soi ; - tester l’influence des discriminations et de l’estime de soi sur les différentes variables explicatives du SEP et de l’intention (TCP) ; - tester la compatibilité du modèle de la TCP avec le SEP développé par Bandura (2003) pour expliquer les comportements ; - réaliser des comparaisons entre les deux groupes (demandeurs d’emploi et travailleurs) en ce qui concerne l’intention et l’influence des différentes variables ; - vérifier que, sur base d’une estime de soi moindre et de l’impact des discriminations, les demandeurs d’emploi sont moins enclins à recourir au CV vidéo que les travailleurs ; - susciter la discussion autour de ce qui pourrait lever les freins à l’utilisation des CV vidéo et limiter les risques de discrimination à l’embauche.