Defraigne, Jean-Christophe
[FUSL]
Le dernier quart de siècle a profondément modifié la configuration géographique des activités industrielles. Jusqu’aux années 1980, la plupart des pays de la semi-périphérie, qu’on qualifie aujourd’hui d’économies émergentes, n’avaient développé qu’une industrie légère intensive en travail et restaient des exportateurs de matières premières et produits agricoles. Les produits industriels intensifs en capital et en technologie étaient en grande partie manufacturés dans les économies de la triade (États-Unis, Europe occidentale, Japon) ou par des filiales de firmes multinationales issues de la triade produisant dans certaines grandes économies en développement (comme le Mexique, le Brésil, la Turquie). Une partie importante de l’économie mondiale qui poursuivait une industrialisation étatisée selon un modèle économique dit socialiste restait très peu ouverte au commerce international et totalement fermée aux investissements directs étrangers (IDE). Les économies de la triade étaient les seules capables de faire des produits manufacturés intensifs en capital et compétitifs sur les marchés mondiaux. Ils disposaient d’une avance technologique de plusieurs décennies que l’on peut mesurer par les dépenses de recherche et développement, les brevets commerciaux, les articles scientifiques et le nombre de chercheurs. Seul l’URSS a pu rivaliser jusqu’aux années 1980 dans certains domaines militaires. En trois décennies, on assiste à une reconfiguration des capacités industrielles mondiales avec une montée de l’Asie-Pacifique et de zones semi-périphériques proches des États-Unis (Nord du Mexique), de l’Europe (Turquie, Maroc ou Tunisie) ainsi que de grandes économies émergentes plus éloignées des centres de l’économie mondiale (Inde et Brésil). Le phénomène à la base de cette reconfiguration se caractérise par l’internationalisation du processus de production et la création de chaînes de valeur mondialisées par les grandes firmes multinationales des pays de la triade qui recourent à la mise en place de plateformes d’assemblage et à la sous-traitance dans certaines pays en voie de développement. Le phénomène s’est toutefois fortement complexifié avec la multiplication de firmes multinationales issues d’économies émergentes, avec la mutation des avantages comparatifs des différentes économies nationales, donnant lieu à de nouveaux déplacements de sites d’assemblage d’économies émergentes vers des économies moins développées et parfois à des phénomènes de rapatriement de capacités de production vers les États-Unis ou l’Europe.
Bibliographic reference |
Defraigne, Jean-Christophe. La reconfiguration industrielle globale et la crise mondiale. In: Outre-Terre, revue européenne de géopolitique, Vol. 46, no.2016/1, p. pp143-192 (2016) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.3/177013 |