Delmotte, Florence
[USL-B]
À travers son œuvre écrite comme à travers sa vie politique – qu’il est probablement erroné de vouloir démêler, mais aussi difficile d’aborder tout ensemble, étant donné la richesse de l’une et de l’autre et les conflits d’interprétation qui les entourent – Rosa Luxemburg a défendu l’indissociabilité absolue de la révolution socialiste, du programme politique du marxisme, et de la démocratie. Pas de socialisme, entendu comme projet d’émancipation radicale des travailleurs ou des masses, ou de communisme, pour reprendre le terme de Marx, sans démocratie. Pousser le plus loin possible le développement des libertés publiques est en effet la condition de l’un et de l’autre, et cela passe au besoin, selon le contexte, par la défense des droits, des libertés et autres institutions de la démocratie prétendument bourgeoise. Cette conviction, qu’il est dangereux mais aussi profondément irréaliste de dissocier le fond ou le contenu social de la démocratie de ses formes et institutions, de négliger voire de sacrifier la question des moyens au profit de celle des fins, est une des plus constantes de la pensée et du parcours, pourtant accidenté, et marqué par le pragmatisme, de Rosa Luxemburg. La démocratie socialiste passe en effet par l’apprentissage et la pratique la plus étendue possible de toutes les formes de libertés publiques par les masses. Cela n’empêche nullement Luxemburg de considérer le rôle important du parti, de défendre le parlementarisme dans certains contextes et dans d’autres de le condamner au profit du pouvoir des "conseils". Précisément, la pensée de Rosa Luxemburg, sa vigilance, consiste à se tenir seule sur une ligne de crête ou de mener double front : contre la trahison, par la social-démocratie allemande, des objectifs révolutionnaires du socialisme au profit de la bureaucratisation et de la conquête de l’appareil d’État ; contre la dictature du parti bolchevique en Russie. Avec La Révolution russe, brochure écrite en prison et qui n’était pas destinée à être publiée, on lui doit la première critique marxiste de la révolution russe d’Octobre et l’un des textes les plus importants du marxisme sur la démocratie selon la plupart des spécialistes. Toujours actuel, ce texte contribue surtout à penser le socialisme comme pouvoir "par en bas", mais dont il importe de penser l’organisation et le contenu, ce que négligeraient à l’heure actuelle la plupart des mouvements spontanés de transformation sociale.
Bibliographic reference |
Delmotte, Florence. La "démocratie socialiste". Contenu et conditions d’une émancipation radicale chez Rosa Luxemburg.La démocratie est-elle, dans son principe, radicale? (Bruxelles (Université Saint-Louis - Bruxelles), 30/10/2017). |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078.3/189369 |