Angelini, Cécile
[UCL]
Le fil conducteur de ce livre est ce qu’on appelle parfois la « question de l’art » : quand y a-t-il art, à quelles conditions peut-on parler d’« œuvre d’art » ? Nous avons choisi de faire dialoguer l’esthétique analytique et l’art conceptuel, deux courants – philosophique et artistique – qui ont élaboré, à peu près au même moment (les années 1960-70) mais chacun de leur côté, une réflexion sur les présupposés de l’art. Notre réflexion se divise en trois parties qui espèrent apporter des éléments de réponse à cette « question de l’art ». La première partie est consacrée à l’esthétique analytique : après avoir tracé les lignes directrices de la théorie wittgensteinienne des « ressemblances de famille », laquelle a beaucoup inspiré les philosophes analytiques (et même certains Conceptuels comme Joseph Kosuth), nous passons en revue les pensées de Morris Weitz, de Nelson Goodman, d’Arthur Danto et de George Dickie. Ces philosophes ont perçu le caractère aventureux de l’art et ont dirigé leur réflexion sur le contexte dans lequel s’inscrivent les œuvres plutôt que sur les qualités intrinsèques de ces dernières : contexte langagier pour Weitz, symbolique pour Goodman, historique pour Danto et institutionnel pour Dickie. La seconde partie est consacrée à l’art conceptuel : nous avons essayé d’y montrer qu’au moment où ces philosophes orientaient leur réflexion vers le contexte de l’art, les artistes conceptuels en inscrivaient le questionnement au cœur même de leur pratique. En opérant une dématérialisation de l’œuvre, ces derniers ont mis l’accent sur le contexte – pensé et institué – que suppose toute création artistique. Leur critique politique et philosophique du partage des rôles et du fonctionnement du monde de l’art a fait lumière sur l’ensemble des actions relatives à la manière de créer, de diffuser ou de se rapporter à l’art. L’œuvre est ainsi apparue comme un processus au centre d’un nœud relationnel entre l’artiste, le spectateur, l’institution et la théorie. C’est ce caractère profondément contextuel de l’art que nous avons tenté de souligner sous un jour nouveau dans la troisième partie de cet ouvrage, en montrant qu’une œuvre manifeste à la fois son propre contexte génétique (le fait qu’elle ait été produite par tel auteur, à partir de telle situation, dans telle intention, etc.) et le contexte plus général qui rend la création et l’appréhension de toute œuvre d’art possibles. Mais nous insistons ici particulièrement sur la notion d’auteur – ou plutôt sur celle de responsabilité auctoriale. Pour qu’il y ait œuvre d’art, il faut une intention de faire œuvre – que celle-ci soit le fait d’un artiste, d’un collectif, ou même d’une structure auctoriale (plusieurs individus sans lien apparent). Ce texte propose donc deux conditions minimales à l’art : l’existence d’une pratique établie – un monde de l’art – et l’identification d’un auteur, singulier ou pluriel.
Bibliographic reference |
Angelini, Cécile. Écho de l’art conceptuel dans l’esthétique analytique. L'Harmattan : Paris (2013) (ISBN:978-2-343-01580-4) |
Permanent URL |
http://hdl.handle.net/2078/124416 |