Junon chez Valérius Flaccus

La partie des Argonautiques qui figure cette année au programme de VII, 1-VIII, 133, possède une forte unité: si on s'en tient aux enjeux explicitement précisés, il présente la perdition de Médée et la victoire de Jason, l'une étant la condition de l'autre. Le tournant est marqué par le geste, dont la valeur symbolique est soulignée, qui fait passer les objets magiques des mains de la jeune fille désespérée à celles, avides, du héros :

cum gemitu et multo medicamina fletu,

non secus ac patriam pariter famamque decusque,

obicit. Ille manu subit et uim corripit omnem1.

Ce double mouvement ne s'effectue que du fait de la volonté de Junon, même s'il lui faut avoir recours aux services de Vénus, qui apparaît alors plus active et efficace. «L'action subtilement malveillante des déesses accompagne Médée l'écroulement psychologique, jusqu'à la reddition totale en face de l'aimé. La Médée valérienne est projetée dans le contexte d'une intrigue qui la dépasse »2. Or c'est grâce à Junon que l'épisode s'intègre dans le mouvement général de l'épopée. Sa volonté d'assurer par tout moyen le succès de Jason et des est un ressort essentiel de l'action. Ici, on peut dire qu'elle transmet son dynamisme à Vénus, en sorte que celle-ci manipule Médée qui, à son tour, à Jason de progresser vers le succès de sa mission.

À propos de l'accord entre Jupiter et Junon, Saturni altéra proies, à la fin de VÉnéide (XII, 791-842), D.C. Feeney caractérise ainsi la fonction de la déesse: « Tout au long de l'épopée, Junon a été la principale incarnation de l'anarchie qui menace la progression du poème et de l'empire. . . Pourtant. . . la turbulente déesse est la force principale pour assurer la cohérence structurale : elle provoque les deux puissantes tempêtes qui introduisent les deux moitiés du poèmes et elle revient maintenant à la fin, dans la grande scène qui fait miroir à la première action divine, afin de contribuer à un plan synthétique qui, cette fois, n'est pas seulement structural »3.

Les épiques de l'époque flavienne n'ont pas attribué un moindre rôle aux entre les plans de Jupiter et les perturbations qu'y introduit Junon. Sur le plan thématique, Silius s'inspire de façon quasi caricaturale du grand modèle :

82