OTHMAR KEEL : L'Avènement de la médecine clinique moderne en Europe (1750-1815). Politiques, institutions et savoirs. Québec et Genève, Les Presses de l'Université de Montréal et Georg Éditeur, 2001, 542 p. (Coll. "Bibliothèque d'histoire de la médecine et de la santé ".)

Pour comprendre les conditions d'émergence de la médecine clinique moderne, l'A. élargit l'étude à toute l'Europe (notamment l'École de Vienne, les écoles d'Édimbourg et de Londres) et propose une nouvelle périodisation. Il réévalue de manière pertinente la place de l'École clinique de Paris, dans les bouleversements institutionnels et conceptuels de la médecine au tournant des 18e et 19e siècles. Dès 1750, l'évolution de l'observation et de la dissection, les nouveaux modes d'exploration physique accompagnent la mutation des hôpitaux en un " champ d'action structuré ", premier terrain d'une pratique clinique. L'émergence de l'anatomopathologie, à la suite des travaux de Morgagni, transforme la pathologie des humeurs en pathologie des organes, puis des tissus. Cette transformation radicale de la médecine comme savoir et comme pratique, " grande brèche dans le paradigme hippocratico-galénique ne peut se limiter à l'apparition d'une école, aussi prestigieuse soit-elle. L'A. nous montre qu'elle est la convergence de réorganisations institutionnelles profondes des systèmes sanitaires (la redéfinition du rôle des hôpitaux comme cliniques médicales), de réorientations théoriques fondamentales dues à des bouleversements techniques (les nouvelles modalités du diagnostic physique) et conceptuels (la constitution de l'histopathologie), qui ont traversé l'ensemble des pays européens et leurs différentes écoles de médecine tout au long de la deuxième moitié du 18e siècle. Si Pinel, Bichat ou Corvisart voient leur primauté contestée, c'est au profit d'une vision plus large et plus convaincante de l'histoire de la médecine européenne.

Dominique Boury