EMMANUEL DU RUSQUEC (1922-2011)

Maître Du Rusquec nous a quitté au terme d'une longue et belle vie toute remplie de ses multiples engagements sur lesquels l'âge semblait n'avoir pas de prise.

Juriste par formation mais surtout par passion, il a pratiqué le droit d'abord en qualité de magistrat avant d'exercer les fonctions d'avoué pendant plus de trente années. Praticien, il a aussi mis sa compétence au service de la recherche pour laquelle il a manifesté un goût et des prédispositions dès sa thèse de doctorat en droit : c'est tout naturellement qu'il a rejoint dès sa création le laboratoire de recherches créé par la Professseur Henri Daniel Cosnard, devenu par la suite CRJO puis plus récemment fédéré au sein de l'IODE. Il a dès lors et jusqu'à une date assez récente participé à la vie de cette équipe de recherche, toujours présent aux réunions de mise en place de projets comme aux assemblées de gestion. C'est ainsi qu'il avait accepté d'assurer la présidence de l'association dite «CDJO » créée pour gérer la banque de données informatisée dédiée à la jurisprudence régionale. Investi dans l'activité judiciaire, il n'a pas seulement été parmi les pionniers qui ont lancé l'informatique juridique en France : il a aussi été un auteur reconnu et apprécié, portant sa contribution principalement mais pas exclusivement dans les champs de la procédure, domaine dans lequel il a abondamment publié, dans la RJO comme dans les revues professionnelles et les revues nationales.

Son goût de l'écriture ne se cantonnait pas au droit et à la technique juridique : il fut un billettiste fidèle dans le journal sur lequel il a soutenu, à quatre vingt cinq ans passés, une thèse de doctorat en science politique ! Féru d'histoire, il a proposé des ouvrages sur La Chalotais comme sur le Parlement de Bretagne dont il fut à la fois le spécialiste et le chantre. On lui doit aussi une pièce de théâtre en trois actes. . .

Homme de réflexion Emmanuel Du Rusquec était aussi homme d'action bien au-delà de ce que requérait son activité professionnelle : engagé volontaire au cours du dernier conflit mondial, il a par la suite continué à défendre et promouvoir ses fortes convictions. On se souviendra qu'il a joué un rôle majeur, avec d'autres, dans la restauration -on pourrait dire la résurrection-du Parlement après l'incendie qui l'avait laissé en ruines : galvanisant les énergies, réunissant les bonnes volontés, il a contribué à l'élan aussi surprenant qu'émouvant qui a porté tout un peuple à redécouvrir une richesse toute proche et pourtant jusqu'alors un peu oubliée.

Assurément Maître Du Rusquec fut la figure de ce que peut être «l'honnête homme » de notre siècle, celui qui réunit dans sa personne un bouquet de dons et de qualités : praticien reconnu dans le monde judicaire comme chercheur apprécié dans le monde universitaire, homme de plume mais aussi homme de la Cité, homme dans la Cité soucieux de la chose publique. Esprit curieux de tout, il cultivait ses talents si divers avec une tranquille sérénité, son œil pétillant soulignant un sourire accueillant qui respirait la bienveillance.

Le CRJO vient de perdre un jeune docteur octogénaire : l'espèce est rare, et dans l'espèce, l'individu est exceptionnel et assurément unique.