Réflexions sur une expérience d’expertise psychologique en criminologie
Danielle RIVIERE-PERRIER Marie-Agnès SIMON
Approche descriptive de la situation d’expertise
I. — Analyse de la demande
La question posée aux experts par les magis¬ trats instructeurs découle de l’application de deux articles :
— Article 64 du Code Pénal visant à préciser si le crime ou le délit a été commis en état de démence (1810).
— Article 81 du Code de Procédure Pénale : il autorise le juge d’instruction à faire procé¬ der à une enquête sur la personnalité des incul¬ pés ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale (1959).
Cet examen de personnalité est devenu de règle pour toute affaire concernant un mi¬ neur, qu'il soit délinquant ou en danger moral.
En ce qui concerne les adultes, cet examen est impératif en cas de crime, et laissé à l'ap¬ préciation du magistrat instructeur pour les délits.
Il est à noter que l’inculpé peut demander lui-même l'application de l'article 81 (enquête so¬ ciale, examen médical, examen médico-psycho-logique). Le juge d’instruction ne peut refuser l’examen médical ou médico-psychologique que par une ordonnance motivée.
— Formulation de la demande
Cette formulation n’est pas rigide et systé¬ matique, elle est tantôt vague, tantôt très pré¬ cise selon le magistrat et selon l’expert auquel elle est adressée.
Théoriquement adressée au seul médecin, elle peut être diversifiée si d’autres spécialistes in¬ terviennent : Assistante sociale, Psychologue.
En ce qui concerne l'examen médico-psycho¬ logique, on peut relever plusieurs formulations.
Citons à titre d'exemple :
Première formulation adressée à deux méde¬ cins psychiatres :
1. L'examen du sujet révèle-t-il chez lui des anomalies mentales ou psychiques ? Le cas
échéant, les décrire et préciser à quelles affec¬ tions elles se rattachent.
2. L'infraction qui est reprochée au sujet est-elle ou non en relation avec de telles anomalies ?
3. Le sujet présente-t-il un état dangereux ?
4. Le sujet est-il accessible à une sanction pé¬ nale ?
5. Le sujet est-il curable ou réadaptable ?
6. Le sujet était-il en état de démence au sens de l’article 64 du code pénal au moment des faits ?
Deuxième formulation adressée pour contre-expertise à un médecin psychiatre :
— Analyser l'état actuel de la personnalité de l’inculpé.
— Dire quels sont, au point de vue psycho¬ logique, les éléments héréditaires, individuels ou acquis, de tempérament, de caractère, d’hu¬ meur, et les facteurs ambiants familiaux et so¬ ciaux dont l'action peut être décelée dans la structure mentale, le degré d'évolution et les formes de réactivité de l'intéressé.
— Procéder à toutes investigations médico-biologiques qui paraîtraient utiles.
Question posée à des psychologues dans le cadre de l'expertise psychologique :
— Procéder à l'examen psychologique de X. Expliquer, au besoin à titre d’hypothèse, de quelle manière il a été conduit à accomplir les faits qui lui sont reprochés.
A travers ces trois exemples nous notons une différence de contenu entre ce qui est demandé aux médecins-psychiatres et ce qui est demandé aux psychologues. Pour ces derniers il s’agit es¬ sentiellement de l'analyse psychologique et cau¬ sale, au-delà de la pathologie et du diagnostic.
Contenu sous-jacent à la demande formulée :
Qu’il s'agisse de formulation imprécise ou de questions multiples, il semble que l'on puisse déceler trois questions fondamentales :
— Pourquoi ?
(Pourquoi a-t-il fait cela, comment est-il arrivé à le faire ? quels sont les mobiles du délit ?)