NEAU-DUFOUR Frédérique, Ernest Psichari, l'ordre et l'errance, Cerf, 2001, 269 p.

Ernest Psichari, quand il est encore connu aujourd'hui, évoque dans les mémoires l'officier méhariste voué à la conquête coloniale, qui sut trouver dans les sables de Mauritanie les champs de bataille que ne lui offrait pas la métropole, et le souffle divin qui allait le pousser vers la conversion au catholicisme. Engagé dans l'armée en 1904, il évoque pour toute une génération la victoire des armes et la force face à une famille éprise de lettres et de justice sociale. Converti au catholicisme en 1913, il rachète les « fautes » de son grand-père apostat, Ernest Renan. Les quatre romans écrits par cet intellectuel militaire — Terres de soleil et de sommeil, 1908 ; L'Appel des armes, 1913 ; Le Voyage du centurion, 1916, et Les Voix qui crient dans le désert , 1920 ont contribué à ancrer ce mythe, qui trouve son expression la plus achevée avec la mort du jeune lieutenant. Tué par les Allemands dans les Ardennes belges, en août 1914, Psichari unit dans son sacrifice l'amour de la patrie et la geste du martyr chrétien. Bâti sur ce double postulat, le personnage de Psichari devient, sous le régime de Vichy, une des figures de ralliement de l'extrême droite nationaliste.

C'est à cette image d'Epinal que Frédérique Neau-Dufour a choisi de s'attaquer, dans sa passionnante biographie de Psichari, nourrie de nombreuses archives inédites (lettres, cartes, carnets de route, manuscrits, photographies). Les séjours de Psichari aux colonies sont particulièrement éclairants pour percer, bien loin du mythe, la complexité du personnage.

Engagé dans l'artillerie coloniale, Psichari accomplit la tâche qui incombe à tous les « bigors » : en Oubangui-Chari (1906-1907), il mène à bien la reconnaissance du terrain, les relevés topographiques, la conduite des colonnes le long de fleuves En Mauritanie (1909-1912), il obéit avec la même conscience aux missions qui lui sont confiées dans le cadre de la pacification : levée de l'impôt, nomadisations à