Une télévision sans service public
L’audiovisuel public au service de la démocratie
Nicholas Garnham
L’audiovisuel public au service de la démocratie
Nicholas Garnham
Professeur émérite à l'Université de Westminster
Nicholas Garnham réfute ici l'argument développé par Elizabeth Jacka. L'analyse tourne autour de la notion de démocratie et s'éloigne peut-être des médias et de la télévision, mais c'est pour mieux y revenir. La défense du service public est plus subtile que celle que suggère Elizabeth Jacka.
Il ne s'agit pas seulement de confronter le service public à l'idéal d'un espace public rationnel et homogène. Son évaluation doit être comparative. Confier la démocratie à des médias commerciaux, qui proposeraient aux publics une sorte de libre supermarché des identités, serait une illusion (car quelle liberté y a t-il dans ce marché ?) et un dangereux renoncement à la politique, qui n'a pas dit son dernier mot. Nicholas Garnham affirme ainsi que la centralité du service public au Royaume-Uni a mieux contribué à la qualité du débat public, et continue de le faire, que l'extrême commercialisation américaine.
lizabeth Jacka m'a fait l'honneur équivoque de considérer mes travaux comme représen¬ tatifs d'une approche qu'elle nomme «moderniste » de la démocratie et du service audiovi¬ suel public. Selon elle, cette approche n'est plus -si tant est qu'elle l'ait jamais été -une façon appropriée de penser ni la démocratie, ni l'avenir du service audiovi¬ suel public. La raison en est, poursuit-elle, que la concep¬ tion moderniste de la démocratie est anhistorique et n'a plus sa place dans les sociétés «post-modernes » ; la démocratie considère l'impact des médias, et plus parti¬ culièrement celui de la télévision, dans l'optique d'un affrontement entre culture élitiste et culture populaire, et y voit un élément du déclin de la modernité (bonne) face à la post-modernité (mauvaise).
En lieu et place, E. Jacka défend un concept de «démo¬ cratie radicale » (emprunté à Chantal Mouffe) lié aux notions de télévision postmoderne et de démocratie sémiotique que développe John Hartley. Et si elle décla¬ re sans ambiguïté que les arguments éculés en faveur du service audiovisuel public -dont elle voit chez moi
un exemple -ne sont plus opératoires, elle conclut avec moins d'assurance que les nouvelles approches postmo¬ dernes, qui marquent un progrès, n'ont besoin ni du concept ni de la pratique. Voilà qui fait une inquiétude de moins. Mais si je trouve que sa conclusion manque d'assurance, c'est parce qu'elle semble encore s'y soucier de questions de réglementation dans la structure et le contenu des programmes audiovisuels en Australie. Questions proches des préoccupations de ceux qui veu¬ lent défendre le service audiovisuel public mais qui, je pense, seraient entièrement injustifiées dans l'optique de Hartley, car il s'agit en effet de tentatives de la part de l'affreuse «classe intellectuelle » pour contrôler les discours et les plaisirs populaires.
Je ne souhaite gaspiller ni mon encre ni le temps de mes lecteurs à défendre en détail des points de vue émis pour la première fois voici plus de quinze ans et dans le contexte très particulier des débats sur la politique audiovisuelle de la Grande-Bretagne. Je dirai simple¬ ment que je ne reconnais pas mes positions dans ce qu'Hartley décrit comme «l'échec de la démocratie ». Je