ETHNOLOGIE RELIGIEUSE DE L'EUROPE

Nommé dans le courant de l'année scolaire, le directeur d'études a commencé son séminaire au deuxième semestre. Pour éviter d'entamer au milieu de l'année le programme de recherche prévu pour ce séminaire sur le thème du rituel dans l'Europe contemporaine, il a choisi de se dévouer à une étude qui était à la fois le prolongement d'un travail antérieur et qui pourrait servir d'introduction à ce qui viendra l'année prochaine : le rapport entre l'honneur et la grâce.

Dans cette perspective on a profité de la présence à Paris du Professeur J.G. Peristiany qui a dirigé un travail collectif sur l'honneur et la honte en pays méditerranéen il y a bientôt vingt ans et qui envisage la préparation d'une suite à cet ouvrage en collaboration avec le directeur d'études. Ce futur recueil d'essais, réunissant des travaux de nouveaux chercheurs avec ceux de certains des anciens viserait d'un côté à faire le point sur l'évolution de la question du point de vue théorique en anthropologie, mais aussi, de l'autre, à remédier aux insuffisances du premier volume. En effet, la critique que l'on pourrait formuler à l'égard de celui-ci est qu'il ne s'est pas assez préoccupé de l'aspect religieux de l'honneur, ayant choisi de traiter surtout de la relation entre le concept de l'honneur et l'organisation sociale. Cette fois-ci il sera question de l'honneur et de la grâce. Cette dernière notion occupe une place primordiale à l'intérieur de ce que l'on pourrait appeler « la théologie populaire » du sud de l'Europe, cependant elle n'a guère reçu l'attention qu'elle mérite de la part des ethnographes malgré son emploi continuel dans le langage courant et malgré toute son importance dans la théologie savante. C'est une notion aussi difficile à cerner que celle de l'honneur et aussi paradoxale : tantôt elle apparaît en parallèle avec celle-ci - le déshonneur est disgrâce, on honore par des offrandes et l'intention est essentielle à l'acquisition et de la grâce et de l'honneur - tantôt elle semble s'y opposer en se plaçant à l'extérieur du terrain sémantique de l'honneur, ainsi la notion de gratuité (que Benveniste considère être sa racine) s'oppose aux notions d'échange et de rivalité qui sont à la base de l'honneur, comme la paix s'oppose à la guerre, le pardon à la notion de justice ou le charisma, dans le sens donné à ce mot par Max Weber, au droit à l'obéissance.