L es articulations entre ségrégations résidentielles et système éducatif dans la région Île-de-France (Maresca, Poquet et al., 2002) montrent que la différenciation entre «bons » et «moins bons » établissements est le résultat d’une double tendance : d’une part, le recrutement des élèves amplifie les disparités sociales existant dans les communes, d’autre part, l’offre pédagogique présente de fortes inégalités selon les établissements. Si consumérisme il y a, il reflète moins une menace envers le contrat républicain, à savoir l’acceptation collective de la même école pour tous, que l’incapacité de l’institution scolaire à assumer ce contrat. L’école pour tous ne vise, à l’origine, que l’enseignement consacré aux apprentissages élémentaires et la socialisation citoyenne de tous les enfants d’une génération. Il faut rappeler, à cet égard, la remarquable réussite de l’école élémentaire et souligner sa capacité d’adaptation à plus d’un siècle de profondes mutations de la société. L’accueil réservé au film de Nicolas Philibert, Être et Avoir, est révélateur du fossé entre l’affection que portent les Français à leur école élémentaire et le maigre intérêt que lui manifestent les ministres de l’Éducation nationale. Jusqu’ici, toute l’attention de l’institution s’est focalisée sur l’enseignement secondaire. Mais, alors que diagnostics et suggestions réformatrices s’accumulent, on peut se demander si leurs auteurs, qu’ils soient experts, gestionnaires ou politiques, prennent suffisamment en compte les évolutions de la société et des besoins sociaux. On peut en douter, si l’on en juge par la place réduite accordée aux points de vue et aux attentes des bénéficiaires directs de l’école que sont les enfants et les jeunes. Même le récent rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’école (rapport dit Thélot, 2004), qui a été précédé d’une large concertation, ne semble pas dans sa forme actuelle préparer un bouleversement du système éducatif.

Du collège unique à la culture unique : un modèle qui pose question

Les critiques se concentrent aujourd’hui sur le collège unique, dont le fonctionnement, reflet d’un républicanisme rigide, entraverait la différenciation de l’enseignement selon les capacités des élèves. Or le projet du collège unique, conçu par René Haby en 1975, avait été initialement pensé dans un esprit tout à fait différent. Il s’agissait alors d’aménager une étape de transition entre l’école primaire et le lycée, au cours de laquelle un corps professoral spécifique aurait pu parfaire, selon un emploi du temps ouvert à des activités extérieures aux disciplines traditionnelles, l’éducation de base acquise dans le primaire. Les opposi-Repenser le collège unique, source de ségrégations sociales

❚ Bruno MARESCA, GUY POQUET

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