Couverture fascicule

S. Mauclaire, Du Conte au roman : un « Cendrillon » japonais du Xe siècle. L'Ochi-kubo-monogatari

[compte-rendu]

Année 1991 117 pp. 157-159
Fait partie d'un numéro thématique : Etudes japonaises. Dieux, lieux, corps, choses, illusion
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Comptes rendus

Simone Mauclaire, Du Conte au roman : un « Cendrillon » japonais du Xe siècle. L'Ochikubo-monogatari. Paris, Maisonneuve & Larose, 1984, 374 p., bibl., index, gloss. (Collège de France. « Bibliothèque de l'Institut des Hautes Études japonaises »).

Cette étude d'un récit qui, imprégné de thèmes mythiques et populaires, apparaît comme un jalon essentiel de l'évolution des contes oraux vers le roman, fournit à Simone Mauclaire prétexte à faire revivre la société nobiliaire du Japon du xe siècle. Le texte, intitulé Le Récit de la chambre basse, est attribué à un fonctionnaire de province1. Le thème central de l'histoire est l'ascension sociale spectaculaire d'une pauvre orpheline — Cendrillon — qui retrouve son rang en épousant l'homme le plus puissant de son temps et fait rejaillir le prestige ainsi acquis sur sa famille d'origine, qui l'avait pourtant maltraitée.

Le chapitre i est consacré aux liens qui unissent V Ochikubo monogatari aux contes populaires. L'analyse des ressemblances avec des récits du Moyen Age et des contes modernes permet de dégager, outre le thème de Cendrillon, ceux de la quête en miroir des deux sœurs et du mariage entre la belle et la bête, formulés ici comme la crainte d'une union hypogamique ; c'est une interprétation tardive et désacralisée de l'union entre mortelles et dieux qui se rencontre fréquemment dans les mythes du vme siècle. La jeune recluse reçoit les visites d'un amant de haut rang ; elle est menacée par sa marâtre d'épouser un vieillard horrible ; elle épouse un homme puissant. Sa sœur, promise à un beau mariage, épouse un être ridicule et répugnant. De nombreux autres éléments du récit sont également mis en relation avec le fonds religieux archaïque, notamment celui de la « chambre basse » où l'orpheline est confinée par sa marâtre et qui évoque la claustration des femmes attendant un époux divin. Mais ici, en l'absence de toute référence à un contexte merveilleux, cette chambre basse préfigure l'ascension sociale qu'elle est censée interdire. En outre, le choix du terme kubo, qui signifie aussi « vulve » — ce qui permet d'interpréter ochikubo dans le sens de « vulve déchue » — dénote l'ironie de l'auteur vis-à-vis des vieux contes et des mœurs qu'il décrit, ironie qui fait de ce texte une œuvre véritable. Tout en demeurant par sa coloration moraliste un roman populaire, le récit de la dame Ochikubo annonce, par son originalité et la vision de l'histoire qu'il révèle, un grand roman psychologique tel Le Dit du Genji écrit aux alentours de l'an mil par la dame de cour Murasaki Shikibu2.

Les chapitres n et in, corps de la première partie où il est traité des relations d'alliance, présentent une analyse érudite des conditions historiques et sociales qui sous-tendent la thématique du récit. La hiérarchie nobiliaire, particulièrement celle de la noblesse de cour, se fige au détriment des vieilles familles nobles auxquelles l'hégémonie des régents Fujiwara fait perdre tout prestige. Les Fujiwara apparaissent en effet comme les maîtres de l'époque : en mariant leurs filles aux souverains, ils deviennent finalement grands-pères ou oncles de souverains et détiennent, en tant que régents, le pouvoir effectif. En général, le mariage hypergamique fournit le plus sûr moyen de promotion sociale. Une telle stratégie est cependant délicate à mettre en œuvre, car l'alliance entre familles ne peut devancer l'alliance

L'Homme 117, janv.-mars 1991, XXXI (1), pp. 157-187.

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