Couverture fascicule

Winthrop Wetherbee (éd. trad.) — Johannes de Hauvilla : Architrenius. Cambridge Univers. Pr., 1994 (Cambridge Mediev. Classics, 3)

[compte-rendu]

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Voici réunis les efforts de deux grands médiévistes, car W. Wetherbee, à qui on doit l'excellent ouvrage Platonism and Poetry in the Twelfth Century a pu profiter de l'édition du texte et des notes explicatives de P. G. Schmidt. Le travail exemplaire de Schmidt (1974) n'a pas joui de la diffusion qu'il mérite, et il est à espérer que son incorporation dans cette série de Cambridge le fera mieux connaître. On peut en dire autant pour Y Architrenius même, car ce long poème satirique de plus de 4000 vers est plein d'entrain. En outre l'auteur, Jean de Hau- ville, près de Rouen, a su découper son texte d'abord en neuf livres, puis en chapitres assez courts et de contenu varié. Dans son introduction W. Wetherbee nous présente l'auteur et son patron, Gautier de Coutances, avant d'essayer d'élucider le poème, qui passe de façon déconcertante de la satire sociale à la vision allégorique, de la vie estudiantine à Paris à la fin du xiie s. aux discours philosophiques des anciens. Le jeune héros, « Grand Pleureur », attristé par le fait que toutes ses pensées (comme celles des autres) sont plutôt répréhensibles, décide de se plaindre auprès de la déesse Natura, qu'il tient pour responsable de cet état déplorable de la condition humaine. À la recherche de cette déesse, il tombe sur la cour de Vénus où il s'excite à la vue d'une jeune fille nue et admire Cupidon qui porte ce qu'on soupçonne être les habits à la mode — des sandales faites par un grand chausseur, un pantalon allemand taillé large, une chemise brodée généreuse, un manteau long coupé style jeune mais ayant été savamment vieilli. Sa forme était telle qu'elle cachait l'embonpoint qui aurait trahi le train de vie du dieu. Malgré la fascination que cette cour lui procure, notre héros continue sa quête et arrive logiquement à la maison de la Gourmandise, d'où il passe à l'Université de Paris, au Mont de la Présomption (où les gens de l'église sont cités comme étant coupables de ce vice), à un champ de bataille où l'armée des Généreux

(sous le commandement du Roi Arthur et de Gauvain et non pas des Vertus !) affronte l'armée de l'Avarice. Après une conversation avec Gauvain, coupée court par le coup d'envoi de la bataille, notre héros arrive dans une sorte de Paradis où il reçoit une série de miniconférences sur les vices, la vanité des possessions etc., données par des philosophes. On lui préconise le contrôle de soi, surtout en matière de sexualité. À ce moment la déesse Natura apparaît, lui fait un long discours sur l'ordre de l'univers, qu'il interrompt en disant qu'elle en a déjà trop dit et que ceci n'a en rien amélioré son état d'esprit. Pas très heureuse, elle répond à cette critique en ajoutant que la place d'Archi- trenius dans l'ordre de l'univers est celle d'un procréateur ! Elle a avec elle une jolie petite vierge, nommée Modération, qu'il n'a qu'à épouser. Le mariage est préparé mais l'auteur s'arrête avant la consommation.

Il est évident, comme l'avait déjà remarqué P. G. Schmidt, qu'en interprétant ce poème on doit prendre en compte des poèmes contemporains tels que Y Anticlaudianus d'Alain de Lille et le Cosmographia de Bernard Silvestre, mais quel est son message ? Pour P. G. Schmidt, Y Architrenius est une extension du poème d'Alain, mais W. Wetherbee n'est pas convaincu par cette idée. Pour lui le paradis des philosophes laisserait deviner une réponse morale et non pas religieuse à la question « Quel est le sens de cette vie ?» — réponse que personnellement je qualifierais de boécienne, là où celle d'Alain est augustinienne. C'est-à-dire que sur terre Natura règne, mais dans l'Univers, c'est Dieu. Mais est-ce que la solution à ce problème des sphères d'influence exprimée par Jean de Hauville est sérieuse ? Je suis frappé — comme mon résumé du contenu peut le laisser deviner — par le fait que le poème commence avec la cour de Vénus et se termine avec une fille au lit. Le sexe serait l'alpha et l'oméga de la quête. Je suis amené à penser à la célèbre « Confession » d'un autre poète du xne s., l'Archipoète. Non seulement son pseudonyme est formé sur le même principe que celui du héros de Jean mais, lui aussi, avec humour, se pose la même question sur les rôles respectifs de Dieu et de Natura quand il est accusé de forniquer avec les femmes. Il finit par affirmer que c'est Natura qui règne sur terre et, comme c'est la nature d'un jeune homme de forniquer, il ne voit aucune raison pour changer sa façon de vivre.

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