Couverture fascicule

Robert A. Yelle, Sovereignty and the Sacred. Secularism and the Political Economy of Religion, Chicago and London, University of Chicago Press, 2019

[compte-rendu]

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Comptes rendus

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Robert A. Yell e, Sovereignty and the Sacred. Secularism and the Political Economy of Religion, Chicago and London, University of Chicago Press, 2019, 270 p., ISBN 9780226585598

Revenant en conclusion sur le parcours de ce livre très dense, Robert Yelle fait un constat désabusé : la discipline «histoire des religions » serait dominée aujourd’hui par des approches «présentistes » , au détriment des études philologiques et historiques réduites à survivre dans quelques recoins obscurs de l’académie. J’imagine que ce constat (qui attriste son auteur) concerne surtout l’Amérique, dont est issu celui qui depuis quelques années occupe une chaire de théorie et méthode en science des religions à l’Université Ludwig Maximilian de Münich. Une chose est certaine : on ne pourra pas adresser à Yelle le reproche de mépriser l’histoire et la philologie. Bien au contraire. La richesse des dossiers abordés dans ce livre est immense, et la démonstration s’appuie systématiquement sur les sources originales, dont il publie d’utiles extraits. On y apprend beaucoup. Le point de départ est un rappel du débat sur la souveraineté, le sacré et l’état d’exception lancé en 1922 par Carl Schmitt dans son livre sur La théologie politique, débat sur lequel Giorgio Agamben a rebondi à partir des années 90 du siècle dernier (Homo sacer, 9 volumes parus). Du xxe siècle et d’une théologie politique oscillant entre fascisme et critique marxiste, on est conduit par ces deux penseurs que tout oppose à remonter vers les sources anciennes, grecques, latines, et médiévales du lien entre sacré et état d’exception, sans oublier quelques passages par l’Inde et la Chine. Comme le dit son sous-titre, le livre de Yelle opère cette remontée et pose les bases méthodologiques et historiographiques d’une réflexion sur l’économie politique de la religion, en un parcours d’une érudition et d’une clarté éblouissantes, appuyé par quelques études de cas. Au fondement à la fois de la religion et du politique, Yelle désigne la «souveraineté » , autrement dit un pouvoir qui rompt avec la règle habituelle. L’équilibre instauré par ce pouvoir est fondé sur une rupture, une exception «antinomique » dont la caractéristique fondamentale est de se définir comme une irruption du «sacré » . Comme source et garant de la loi, le «souverain » ne saurait être lui-même soumis comme chacun aux normes légales qui gèrent la vie de la cité : la loi, sinon, n’aurait pas de fondation apodictique et incontestable. Idéologue des débuts du nazisme, Carl Schmitt (dont il est beaucoup question dans ce livre) associait l’état d’exception, condition d’un pouvoir souverain musclé, souhaitable selon lui, à l’idée théologique de «miracle » , comme interruption de la loi naturelle, elle-même tributaire du postulat d’un dieu tout-puissant, transcendant, ayant créé le monde ex nihilo. Une telle théologie politique pouvait facilement déboucher sur un éloge de la dictature. Mais cela n’est pas toujours le cas. Yelle situe son émergence dans le contexte d’une réflexion plus générale (et différemment orientée) sur le sacré, telle qu’on la rencontre notamment chez le théologien luthérien et néo-kantien Rudolph Otto (Le sacré, 1917), un quasi contemporain de Schmitt, ou encore chez Georges Bataille qui, dans La part maudite (1949), développe une théorie du sacré envisagé sous l’angle d’une souveraineté non plus politique, mais individuelle, et mystiquement arrachée à la pauvreté des choses. Ce déchaînement allie excès, violence et sexualité. Bataille, comme aussi et surtout Roger Caillois (L’homme et le sacré, 1939), se réclament de l’héritage de Durkheim et de Mauss. Ils le trahissent toutefois, en renversant le rapport sacré/ profane. Chez Durkheim le sacré est présenté comme le produit de la fête, du rassemblement social et de l’effervescence collective ; c’est une projection fictive certes, mais puissante, d’une pratique civile légitime, fondée sur un sacrifice de communion. Chez Caillois le «sacré

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