Couverture fascicule

Camelin Sylvaine, Pêcheurs du Yémen. Organisation et transformation d’une communauté de pêcheurs de la côte de l’océan Indien. Paris, Maisonneuve et Larose (Maison de l’Orient et de la Méditerranée), 2006

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BCAI 23 – 2007 116 IV. Anthropol ogie, ethnol ogie, sociol ogie

Camelin Sylvaine, Pêcheurs du Yémen. Organisation et transformation d’une communauté de pêcheurs de la côte de l’Océan indien. [ Thierry Boissière]

Camelin Sylvaine,

Pêcheurs du Yémen. Organisation et transformation d’une communauté de pêcheurs de la côte de l’océan Indien.

Paris, Maisonneuve et Larose (Maison de l’Orient et de la Méditerranée), 2006, 152 p. ISBN : 978-2706819407

Résultat d’un travail de recherche d’une grande précision ethnographique, Pêcheurs du Yémen constitue une approche originale d’un groupe social et professionnel et d’une activité rarement explorés par l’anthropologie du monde arabe. Entreprise dans le cadre d’un mémoire de maîtrise, que viendront compléter des observations réalisées ultérieurement, cette recherche porte sur l’organisation, les techniques et les transformations d’une communauté de pêcheurs yéménites. Agrémenté de photographies en noir et blanc et en couleur, de dessins et de cartes, l’ouvrage s’organise en cinq chapitres et trois annexes. Il comprend aussi un lexique des termes arabes

spécifiques au milieu de la pêche.

Le premier chapitre présente un historique et un état des lieux de la production halieutique au Yémen. Après avoir développé les conditions historiques du développement de cette activité dans la région, l’auteur compare la faiblesse de l’activité halieutique de la côte de la mer Rouge et avec le dynamisme des pêcheries de la côte de l’océan Indien. Ce hiatus est à mettre en relation avec l’histoire politique d’un pays divisé pendant trente ans entre la République populaire démocratique du Yémen (RPDY/ Sud-Yémen), qui développa un programme d’aide et de développement à l’activité de pêche et la République Arabe du Yémen (RAY/ Nord-Yémen) pour laquelle cette activité ne présentait qu’un intérêt moindre. Dans le second chapitre, l’auteur resserre sa présentation sur les pêcheurs eux-mêmes et présente un cas particulier, celui de la communauté des pêcheurs de Shihr, une ville de la province du Hadramaout (sud du Yémen). Cette ville a longtemps été un important centre commercial et le principal centre de l’industrie du poisson séché de la région. Les pêcheurs y forment donc une communauté importante et très ancienne. Sont présentées l’organisation du travail dans les équipages de pêche et la hiérarchie professionnelle qui la fonde, l’une et l’autre étant liées aux structures sociales urbaines. Est détaillée aussi la façon dont on devient pêcheur et les différents stades de l’apprentissage permettant de passer de simple apprenti (farrām) au rang de capitaine (rabbān). Sylvaine Camelin détaille enfin

les fonctions de ce capitaine, «maître de l’eau » et ce qui constitue ses qualités et construit son autorité.

Le troisième chapitre présente, toujours à partir du cas particulier des pêcheurs de Shihr, les types de bateaux utilisés et les techniques de pêche pratiquées.

S. Camelin fait ainsi une riche et fine description des

modes opératoires, distinguant, selon les saisons et à partir des techniques employées, la pêche à la sardine, la pêche au thon, la pêche aux bonites et aux thonites,

la pêche au requin si particulière, enfin, celle à la

langouste, réalisée à l’initiative du gouvernement. Dans le quatrième chapitre, l’étude replace les

pêcheurs dans le contexte plus général des filières

locales, nationales et internationales de vente et de

revente de poissons ; filières auxquelles participaient

et participent encore certes les pêcheurs eux-mêmes, mais aussi les armateurs, les commerçants des souks, les fonctionnaires des coopératives, les artisans assurant la transformation et le conditionnement des

poissons, enfin les consommateurs. L’importance de

certaines évolutions techniques, comme l’installation d’une usine à glace et le développement du transport automobile, est aussi soulignée. Dans le cinquième et dernier chapitre, S. Camelin replace les pêcheurs dans leur environnement urbain, les représentant comme une communauté parmi d’autres. Les pêcheurs dans la ville apparaissent dans leurs relations avec les autres groupes de statut d’une société qui a longtemps été fortement hiérarchisée. S. Camelin nous livre alors une description étonnante d’un rituel aujourd’hui disparu, le subān-subān, qui avait pour but de capter la protection d’un saint. Au-delà de ce caractère propitiatoire, le rituel permettait

aux pêcheurs d’affirmer «leur existence en tant que

groupe professionnel organisé, et ce malgré le statut social très bas qui s’y rattache » , la communauté de pêcheurs s’inscrivant alors «dans une sociabilité et une communauté urbaine plus large » dont ils occupaient le centre le temps du rituel. La révolution marxiste de 1967 va mettre un terme à certains de

ces rituels et contribuer à modifier la place qu’ont

longtemps occupée les pêcheurs dans leur société. La disparition des armateurs, la mise en place des coopératives, certaines évolutions techniques (canots

en fibre de verre) et l’autonomisation progressive des

capitaines et des équipages, notamment par l’acquisition des embarcations, ont permis le développement de nouvelles formes de relations professionnelles

et une diversification sociale au sein même de la

communauté des pêcheurs. Après l’unification du

Yémen, en mai 1990, leur activité permet à certains pêcheurs d’accéder à une aisance économique inimaginable une génération auparavant. C’est tout le rapport des pêcheurs aux autres groupes de statuts et

communautés de la ville qui s’en trouve modifié.

Pêcheurs du Yémen est donc, malgré sa petite taille (moins de 150 pages) et la modestie de son

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