Sous le titre Gérard de Brogne à Saint- Wandrille et à Saint-Riquier (Reuue bénédictine, LXX, 1960, p. 142-166), Dom Jean Laporte renouvelle toute une page de l'histoire du monachisme normand au lendemain des invasions nordiques. Il établit d'abord que les reliques de saints de Fontenelle, après leurs translations à Boulogne, puis à Chartres et enfin à Garni vers 899, ont sans doute séjourné quelque temps au castrum de Saint-Omer, non loin de ce Boulonnais où l'abbaye était particulièrement riche au ix1' siècle. Le séjour à Saint-Omer se placerait vers 919-944 ; pendant te temps, l'ancienne organisation de l'abbaye aurait pu encore fonctionner tant bien que mal, et le scriptorium aurait pu continuer son travail.

Le fameux réformateur Gérard de Brogne fut sans doute l'organisateur du transfert définitif à Gand en 944, après lequel les deux communautés de Fontenelle et du Mont-Blandin vécurent en une symbiose étroite, en attendant de fusionner complètement. Il semble qu'au temps où il s'occupait de réformer Saint-Riquier, Gérard entreprit toute une campagne pour récupérer les éléments extra-normands du patrimoine de l'abbaye, et qu'il vint même à Rouen tenter de la rétablir sur son ancien site. La restauration définitive ne fut pourtant l'œuvre que d'un disciple de Gérard, Mainard, que Dom Laporte rattache hypothétiquement à une famille comtale do la Gueldre, celle même qui donna peu après naissance à saint Meinwerk, évêaue de Paderborn. L'article indique et souligne les difficultés que Fontenelle traversa après le départ de Mainard pour le Mont- Saint-Michel ; le monastère tomba sous l'influence de Jumièges jusqu'à l'époque de Gérard de Crépy, vers 1006. Bref, sur l'une des rares questions de l'histoire normande du x" siècle que l'on croyait bien connaître, notamment grâce aux travaux de F. Lot, Dom Laporte, par une enquête exhaustive, d'une méthode très sûre, apporte une gerbe impressionnante de faits neufs et d'idées pénétrantes.