Rapports de subordination personnelle et pouvoir politique dans la Méditerranée antique et au-delà XXXIVe Colloque international du GIREA, 2013, 31-49

Esclavage et pouvoir d’État : quelques réflexions

Selon Adam Smith, aucunement profitable pour la communauté, l’esclavage ne pourrait l’être que pour certains de ses membres, et uniquement de manière indirecte, par des artifices et le détournement des lois dites “ naturelles” du marché. Son existence s’expliquerait donc surtout par le libre exercice de passions dévastatrices, comme celle consistant à vouloir dominer son prochain. Cette interprétation – que l’on n’est pas forcé d’accepter – présente un intérêt pour notre propos : celui de mettre l’accent sur la notion de pouvoir en tant qu’élément intrinsèquement lié à l’esclavage. La réduire à une passion s’opposant à la poursuite vertueuse de l’intérêt collectif n’est néanmoins nullement satisfaisant. Car l’esclavage est, de fait, consubstantiellement lié à la question du pouvoir : de part l’exclusivité de la relation maître/ esclave, de la possession du second par le premier, et de la possibilité dont dispose le maître de demander ce qu’il veut à son esclave ; ce qui ouvre de très larges possibilités et définit en partie “ l’utilité” relative de l’esclavage pour l’esclavagiste, comparativement à d’autres formes d’exploitation de l’homme par l’homme1. Tout indique donc l’importance de cette notion, essentielle mais souvent sous estimée en matière de recherches sur l’esclavage, qu’est le pouvoir. En quoi le pouvoir d’État participe-t-il de cette relation particulière ? D’un côté l’État ne doit-il pas être nécessairement attentif et veiller à ce que le pouvoir exorbitant du maître sur son esclave ne fasse pas ombre à celui qui est exercé en son nom sur l’ensemble du corps social ? De l’autre, une société esclavagiste peut-elle vraiment subsister sans l’appui d’un pouvoir d’État ? Simples mais essentielles, ces deux interrogations dessinent les contours d’une relation dialectique qu’il peut être utile d’interroger.