Michèle Baussant, Marina Chauliac, Irène Dos Santos, Évelyne Ribert et Nancy Venel

Introduction

Depuis les années 1970, dans de nombreux pays, émerge un ensemble d''actions, au niveau national ou local, présentées comme visant à valoriser les mémoires des migrations. Plusieurs facteurs ont concouru à la multiplication de ces initiatives. On peut citer d''abord le mouvement d''ethnic

revival ou «renaissance ethnique1 » des années 1970, présent dans différents pays, dont les États-Unis, et au travers duquel divers groupes cherchent à mettre en avant leurs héritages et origines propres. Ce «réveil ethnique » participerait de la prolifération mémorielle actuelle et de la patrimonialisation tous azimuts2. Mais c''est oublier ici que cette «renaissance ethnique » procède aussi (et peut-être avant tout ?) de l''émergence de revendications sociales, politiques et économiques. Elle a été «parallèle et en partie motivé[ e] par la montée en puissance du mouvement pour les droits civiques des Afro-Américains 3 » . Même s''il y a des exceptions, l''affirmation d''un héritage culturel et historique distinct, la demande de reconnaissance, voire la dénonciation d''une discrimination passée et souvent encore présente, fût-ce sous des formes différentes, se mêlent fréquemment. C''est ainsi, par exemple, à la faveur de l''ethnic revival que les enfants des Américains d''origine japonaise, qui avaient été enfermés pendant la Seconde Guerre mondiale, ont milité pour la connaissance de cette histoire et affirmé une identité culturelle, avant que n''émergent des demandes d''excuses et de réparations4. A également joué, dans l''émergence d''un intérêt pour les mémoires des migrations, le développement concomitant de l''histoire sociale centrée sur les groupes dominés, marginalisés, jusqu''alors absents de l''histoire académique comme des grands récits nationaux, et l''apparition d''un mouvement analogue dans les domaines patrimonial et muséologique. Le patrimoine, autrefois conçu comme un ensemble national de monuments historiques et d''oeuvres d''art inscrits à l''inventaire par des professionnels travaillant pour l''État, comprend désormais de nouveaux objets que l''on qualifie de 7