Couverture fascicule

Pouchkine, poète de l'altérité. Textes réunis par Evelyne Enderlein et Tatiana Victoroff, Strasbourg, 2012

[compte-rendu]

Année 2013 40 pp. 113-114
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NOUS AVONS LU

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Littérature

Pouchkine, poète de l'altérité. Textes réunis par Evelyne Enderlein et Tatiana Victoroff, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2012, 188 p.

Peut-on encore aujourd'hui porter un regard nouveau sur Alexandre Pouchkine ? C'est à cette tâche ardue que se sont pourtant attelées les auteurs du recueil Pouchkine, poète de l'altérité qui rassemble les textes présentés lors des Journées d'études qui se sont déroulées en clôture de la grande exposition Pouchkine illustré, organisée par la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg en 2010, année France-Russie. Des chercheurs venus de Suisse, d'Allemagne, de Russie et de diverses régions de France, archivistes, comparatistes, enseignants de littérature russe, traducteurs et même une représentante de la famille du poète, ont réfléchi sur l'altérité de Pouchkine.

L'introduction d'Evelyne Enderlein et de Tatiana Victoroff met l'accent sur la difficulté d'approcher un phénomène dont la notoriété et la récupération idéologique ont systématiquement faussé la réception. Afin d'aller au- delà du mythe qui s'était construit au fil des ans, il s'agissait pour les auteurs du volume de s'interroger sur Vautre Pouchkine.

Cette altérité est déclinée dans les textes, réunis en quatre chapitres, autour de quatre axes clairement définis - modernité, caractère européen de l'œuvre du poète, ses rapports au pouvoir et sa réception par la postérité - qui couvrent d'une manière cohérente un large champ d'investigation et proposent une évolution logique pour atteindre l'objectif choisi.

Ainsi, les trois études du premier chapitre soulignent le lien étroit qui existe entre la modernité et l'altérité de Pouchkine. Ce chapitre s'ouvre sur l'article d'Olga Sedakova « La pensée d'Alexandre Pouchkine » dont une des idées maîtresses est l'impossibilité de cantonner le poète et son œuvre dans le cadre strict de son temps historique. Jean-Philippe Jaccard, auteur de l'article « Pouchkine, premier écrivain de la modernité en Russie : une incompréhension durable », voit la modernité, le modernisme même, de cette œuvre dans le discours permanent qu'elle développe sur soi, sur le processus de son

écriture et sur la littérature en général, procédé qui ne devient « un véritable enjeu conscientisé de la création littéraire » qu'au XXe siècle. En étudiant le rôle que joue le personnage de la comédienne Laura dans la pièce L 'invité de pierre, Jean-Louis Backès saisit la modernité de Pouchkine à travers la notion de distance intérieure ; celle-ci permet de mesurer le chemin que parcourt la comédienne, mais aussi le poète, du travail préparatoire jusqu'à un moment de total enthousiasme où ce n'est plus la mémoire servile mais le cœur de l'artiste qui parle. C'est d'ailleurs dans ce lieu que les trois auteurs décèlent l'altérité profonde de Pouchkine : puisant dans des sources diverses et variées, il ne se contente jamais d'une imitation mécanique de ses modèles, mais, enthousiasmé, il crée une œuvre très personnelle et novatrice devançant de loin son temps.

Parmi les modèles assimilés par le poète, nombreux sont ceux qui relèvent de la culture européenne. Aussi le deuxième chapitre du recueil s'intitule-t-il « Pouchkine, poète européen ». Révélant une autre facette de l'altérité pouchkinienne, cet intitulé provocateur semble aller à rencontre de l'image de Pouchkine, poète national russe. Dans l'article en ouverture de ce chapitre, Nikita Struve se demande si Pouchkine n'était pas un Mozart russe. Sur l'exemple du mythe donjuanesque, Katia Goloubinova-Cennet montre l'apport de Pouchkine dans l'accession de la Russie à l'univers mythopoétique européen. Analysant la réaction inattendue que provoquèrent le duel et la mort de Pouchkine en janvier 1837 chez ses contemporains, ainsi que l'évolution de l'attitude envers le poète et son œuvre tout au long du xrxe siècle, Galina Sedova conclut que l'intronisation de Pouchkine comme symbole de la culture nationale russe ne date que du xxe siècle et est le résultat d'un long processus dont l'aboutissement est la compréhension de son lien intrinsèque avec la culture européenne. Ce processus allait de pair avec la prise de conscience, par de larges couches

LA REVUE RUSSE 40, Paris, 2013.

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