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Avant-Propos. Pour introduire aux glossolalies : un hommage à Michel de Certeau

[liminaire]

Année 1988 91 pp. 5-6
Fait partie d'un numéro thématique : Les glossolalies
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POUR INTRODUIRE AUX GLOSSOLALIES UN HOMMAGE A MICHEL DE CERTEAU

Ce projet de travail consacré aux glossolalies a vu le jour, il y a quelques années, au cours de discussions qui réunirent informellement des personnes d'horizons différents !. Linguistes, psychanalystes, historiens ou spécialistes de littérature, tous convinrent qu'ils disposaient là d'un objet qui tout à la fois concernait et excédait le domaine de leur discipline. Ils décidèrent donc d'en parler ensemble. Dans ces échanges, Michel de Certeau eut une part prépondérante, amicale, alerte, savante. Ce projet a dû se réaliser en son absence. Il reste profondément marqué de son empreinte. Pour nous, il souligna la nécessité d'une mise en perspective pluridisciplinaire de la glossolalie et l'importance de la dimension historique dans la compréhension du phénomène.

Qu'il advienne en effet dans le champ religieux et la prière, qu'il résonne soudain dans l'espace clinique du délire, ou qu'il se convertisse dans la poésie d'une écriture, le « parler en langues » est un bord du langage. Le glossolale adresse à qui veut l'entendre le chatoiement sonore de ce qu'il dit être une langue autre, divine, inspirée, exotique ou ancienne. On peut le prendre au mot et vouloir transcrire, décrire, interpréter. Mais justement, il n'y a pas de mots à prendre : ce n'est là qu'un semblant de langue, un « trompe-l'oreille ». Les énoncés se délitent, le sujet s'abolit dans la voix, le sens se perd. Et avec lui, l'interprète. Théodore Flournoy, ce professeur de l'Université de Genève qui se passionna, aidé de Ferdinand de Saussure et de quelques autres, pour les « langues » inventées par Hélène Smith, dut le reconnaître : « J'ai le sentiment d'y avoir souvent perdu mon latin — je veux dire ma psychologie — car en fait de langues, ce n'est pas de latin qu'il est question en cette affaire, comme on verra » (Des Indes..., p. 4).

Cet objet qui se dérobe nous a incités à saisir l'occasion d'une confrontation des divers points de vue sur le « parler en langues » et à suivre ainsi l'invitation de Jakobson, l'un des quelques linguistes à s'être aventurés sur les chemins incertains de la glossolalie ; il rappelait, à propos du travail commun de Théodore Flournoy et F. de Saussure : « En tous cas, quoiqu'il en soit des résultats dans ce cas précis, voilà un bel exemple de collaboration entre psychologues et linguistes qui devrait être imité et inspirer de nouvelles recherches en matière d'analyse structurale des manifestations individuelles, délirantes, de la glossolalie ». (R. Jakobson et L. Waugh, La charpente phonique..., p. 262).

Nous avons ainsi voulu aborder les aspects historiques, linguistiques, pathologiques et littéraires des glossolalies. Dans un premier travail, je tente de donner quelques repères historiques, et de poser la question de l'énoncé et de renonciation glossolaliques. Ch. Puech situe dans l'histoire de la linguistique l'intérêt

1. У prirent part initialement Maurice Alphandary, Michel de Certeau, Joël Dor et moi- même ; ces premiers échanges en occasionnèrent d'autres avec Mireille Cifali, Paolo Fabbri. André-Roch Lecours, Michèle Nevers, Michel Pierssens. Tous n'ont pu prendre part au présent travail. Qu'ils soient remerciés de leur intérêt et de leurs suggestions d'alors.

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