L'archipel des arts
En accord avec ce que nous avons écrit plus haut, concernant le corps dans la musique moderne, renvoyons d'abord au livre de Peter Szendy, Membres fantômes : des corps musiciens, Paris, Minuit, 2002. L'auteur analyse le passage du corps lié à l'instrument au corps baigné par la musique, dans la société contemporaine. Il s'agit là d'un grand livre de philosophe, et
d'un livre complétant celui que l'auteur avait déjà consacré à l'oreille. On le sait, nous écoutons la musique avec tout notre corps. Nul ne peut refuser de faire jouer son corps dans la musique, seule façon de l'éprouver (qui ? la musique ou le corps ?). Et surtout, montre l'auteur, le rapport corps-musique nous réinscrit dans la pers¬ pective d'une réflexion sur le temps et l'espace. Globalement, l'auteur construit une histoire de l'organolo¬ gie, cette ancienne discipline dont l'objet était les instruments musi¬ caux. Comment la musique a-t-elle inventé des organes ? Telle est fina¬ lement la question : l'orgue, par exemple, met des poumons à nos pieds, le clavecin façonne la main. La musique organise des couplages de plus en plus serrés du corps et de l'instrument, sous le mode d'une fécondation réciproque, même si, de nos jours, nous sommes passés à une musique devenue le milieu dans lequel baigne le corps.
Dans une autre veine, l'ouvrage proposé par l'Ustl, le centre cultu¬ rel de l'Université de Lille, Les Dons de l'image (Paris, L'Harmattan, 2002), sous la direction d'Alain Cambier, réunit d'excellentes contributions autour de ce thème de l'image. Six regroupements thé¬ matiques nous font parcourir le champ de l'image, passant du rap¬ port du sujet humain à l'image, à l'étude de l'aliénation (ou de la libé¬ ration) par l'image, puis à la fonc¬ tion d'auxiliaire remplie par l'image dans la recherche scientifique, à l'étude de ce que l'image donne à voir et aux relations de l'art et de l'image, ou au statut de l'icône. Chaque spécialiste (15 au total) apporte sa contribution à cet échan¬ ge qui doit permettre au lecteur de comprendre que l'image n'est pas un problème secondaire dans l'anthropologie comme dans la
