Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien N°35, janvier-juin 2003

EDITORIAL

Le dossier central de cette livraison -qui a un certain retard, pour lequel nous vous prions de nous excuser -est principalement consacré à la question de l ' enclavement et à sa définition aux regards de la pluralité des situations en Asie centrale.

Gaël Raballand et Max-Jean Zins qui introduisent le dossier ci-après attirent d'emblée notre attention sur le contexte qu'est celui de l'ère post-Union soviétique, dont l'un des traits marquants est largement passé inaperçu : l 'accroissement du nombre de pays enclavés dans le monde. En 1991, ce dernier comptait vingt-huit pays enclavés, dont cinq micro-Etats. On en dénombre aujourd'hui quarante-deux. Ce «boom » est surtout le résultat de la chute de l'URSS qui en a augmenté considérablement le nombre. La fin de l 'Empire soviétique a en effet engendré l 'indépendance de neuf nouveaux Etats enclavés ; deux naquirent dans la partie européenne (Moldavie et Biélorussie), deux autres dans le Caucase méridional (Azerbaïdjan et Arménie), cinq virent le jour en Asie centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kirghizie et Tadjikistan). C 'est dire combien la question concerne de près l'aire que nous étudions dans notre revue.

Ici c 'est bien de l 'enclavement qu 'il s 'agit et non de l 'enclave, et le dossier a pour objectif de répondre aux déclinaisons de l 'enclavement, géographique, économique, juridique et politique. C'est l'absence d'accès à une mer ouverte qui est devenue le principal critère de définition de l 'enclavement. Géographes et économistes parlent également d'enclavement pour désigner une autre situation, technique et non plus géopolitique : l 'isolement dans lequel se trouve une aire plus ou moins étendue, souvent dans un milieu montagneux ou désertique, du fait de l'absence, ou de l'insuffisance, des moyens de communication. Raballand et Zins soulignent, que, analysé au travers de l'auto-perception des pays enclavés, l'enclavement apparaît beaucoup plus comme «une construction historique et politique que comme un phénomène objectif », même si cette construction s 'appuie bien entendu sur une configuration géographique et économique précise. Ils sont appuyés en cela par Glassner, avançant que la question d'enclavement n 'est jamais géographique mais politique, certains pays enclavés n 'ayant parfois aucun problème de transit.