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Commentaire sur cette motion

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Année 1973 87 pp. 182-183
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Une motion de l’A.F.D.U. sur le domicile de la femme mariée. Pour quoi faire ?

Les membres non juristes de l’A.F.D.U. sont en droit de se demander pourquoi la dernière Assemblée générale a adopté une motion tendant à voir modifier les règles qui gouvernent le domicile de la femme mariée, motion qui a été adressée à diverses autorités qualifiées, notamment au garde des Sceaux et aux présidents des commissions de législation de l’Assemblée natio¬ nale et du Sénat. Voici la justification de ce choix : ce n’est pas que la question a fait l’objet des préoccupations professionnelles de la nouvelle présidente; c’est qu’à l’heure actuelle, après les réformes profondes du Droit de la famille, qui ont consacré progressivement, par un mouvement législatif amorcé en 1938 et accentué depuis 1965, l’égalité juridique presque complète de l'homme et de la femme, les dispositions légales régissant le domicile de la femme mariée constituent un véritable anachronisme et maintiennent une réglementation incommode et irréaliste.

Le Code civil prévoit que tout Français a un domicile et, en principe, un seul domicile, ce qui distingue déjà celui-ci de la résidence qui, on le sait, peut être multiple, principale ou secondaire. Encore le domicile, qui est, en somme, «l’adresse » juridique de tout citoyen, l’endroit où il vote, paie ses impôts, reçoit les actes officiels et les assignations en justice (le domicile du défen¬ deur détermine aussi la compétence du tribunal en cas de litige), aurait-il pu être défini comme la résidence principale ou habituelle. Mais tel n’a pas été le point de vue dü législateur de 1804. Le domicile, pour tout Français, c’est, aux termes de l’article 102 du Code civil, le «lieu où il a son principal établissement ». Et, selon une interprétation traditionnelle des tribunaux, le lieu de son principal établissement est celui où se situe le «centre de ses intérêts », même si ce n’est pas à cet endroit qu’il habite le plus souvent.

Eu égard à cette conception, on pourrait croire que la femme, mariée ou non, a, comme tout individu du sexe masculin, un domicile qui est le lieu de son principal établissement, par exemple qu’une femme qui possède et gère à Paris un important fonds de commerce est domicilée à Paris, même si elle habite à Versailles avec un mari qui a son principal établissement dans cette ville. Mais tel n’est pas le cas pour la femme mariée. Peu importe où se trouve, en fait, le centre de ses intérêts. Elle a, en vertu d’une règle légale impérative, un «domicile de droit », qui lui est imposé sans dérogation possible et qui est nécessairement celui du mari : «La femme mariée, d’après l’article 108, al. 1er, du Code civil, n’a point d’autre domicile que celui de son mari. »

Vainement serait-il objecté, pour justifier cette solution arbitraire, que le domicile du mari est nécessairement celui de la femme, parce que la vie commune est de l’essence du mariage. Il suffit d’observer que c’est la résidence qui doit être la même, et non le domicile, dans la conception juridique et patrimoniale que revêt celui-ci. Or, la résidence commune est effectivement prescrite par un autre texte, l’article 215 du Code civil, où persiste d’ailleurs un dernier vestige d’inégalité et tjui est ainsi conçu : «Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie. La résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord; faute d’accord, au lieu choisi par le mari. Toutefois, si la résidence choisie par le mari présente pour la famille des inconvénients graves, la femme peut être autorisée par le tribunal à avoir une résidence distincte... »

Cette notion artificielle du domicile de droit de la femme paraît donc, eu égard à l’évolution des mœurs et de la législation, indéfendable en principe.

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