B. TANGUY
-130-
Toponymie et peuplement en Bretagne. Le recul de la frontière linguistique du Veau XVIe siècle.
Jusque vers le milieu du XIXe siècle, l'opinion commune voyait dans la langue bretonne une survivance de la languje gauloise, qui, reléguée aux extré¬ mités de l'Armoriqué, aurait été revigorée; par un apport celtique insulaire.
I /
C'est ce point de vue qui est explicité, eh 1847, par Hersaft de la VILLEMARQUE
dans son Essai sur l'histoire de la langue; bretonne : "Lorsque les Romains eu¬ rent disparu, et que, fuyant devant des conquérants nouveaux arrivés du nord, les Bretons vinrent au Ve siècle, sur le continent, demander un asile aux peuples de l'Armorique, ils y trouvèrent un idiome; peu différent du leur, en usage sur d'autres points de la Gaule au Ille siècle, (..•), que les Gaulois illettrés parlaient au IVe siècle, et que deux missionnaires de la Gaule, saint Germain d'Auxerre et saint Loup de Troyes, venaient d'employer pour les catéchiser, les prêcher à la ville et aux champs, combattre leurs hérésies et même haranguer et commander leurs armées. Ils l'y ravivèrent, l'y cultivèrent en paix, grâce à leur éloignement des grands centres de civilisation romaine, et à l'abri de la mer, des marais et des rochers, lui donnant d'année en année une vigueur nou¬ velle, puisée dans leur commerce étroit avec l'île, d'où ils recevaient inces¬ samment de nouvelles reorues de peuples de la même langue. Elles se sucoédèrent sans discontinuer du Ve au Vile siècle, d'kin rivage à l'autre ; quand elle ces¬ sèrent, le nom d'Armorique avait disparu, �remplacé par celui de Bretagne. Les Bretons Armoricains (...) formaient depuis! longtemps un état libre (•••), dans lequel refleurissaient, avec l'idiome mêlé! de la petite et de la grande Bretagne, les vieilles moeurs nationales fondues des deux peuples jumeaux" (1 ) .
Toutefois, !la 7ILLEMARQUE introduit dans ce tableau un élément dont l'importance ne tardera pas à s'affirmer ï "Cependant, note-t-il, la langue des Bretons insulaires y dominait, si nous en croyons un historien du Ville siècle, grâce à leur nombre supérieur à celui des Armoricains, et elle dut faire au siècle suivant des progrès nouveaux, favorisés plus que jamais par les chefs suprêmes de la confédération, la plupart de race bretonne" (2).
Cette correction contient, en effet, l'amorce d'un changement d'opinion
