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Professeur agrégé et docteur en philosophie, Nicolas Israël est régulièrement consulté par les armées sur les questions de polémologie. C’est en cette qualité qu’il a été invité à réagir à l’article précédent. Plusieurs points ont éveillé son attention et appelé des prolongements qui ont été traités en entretien.
Tout d’abord, le Professeur Israël confirme que les enjeux vivriers ont pesé de moins en moins lourd dans la décision d’entrer en guerre tout au long de l’histoire, quand bien même des crises de subsistance ont pu déboucher sur des moments de tension extrême. Mais il faut noter que dès les temps primitifs, les motifs alimentaires semblent avoir fait l’objet d’une « mise sous le boisseau ». En effet, des formes de ritualisation et des enjeux de prestige apparaissent dans les représentations les plus anciennes de scènes guerrières : l’enjeu de la survie était donc estompé derrière un réseau de représentations symboliques qui tendait à le supplanter dans la mobilisation guerrière. La phrase de Claude Levi-Strauss prend ici son sens : « Toute nourriture doit être bonne à penser avant d’être bonne à manger ».
Il est difficile de cerner dans quelle mesure, aux âges les plus anciens, l’idée a effectivement éclipsé la nécessité comme motif de guerre. Ne fut-elle qu’un habillage consciemment réalisé par les chefs pour mobiliser leurs guerriers ? Ne peut-on invoquer un effort de verbalisation destiné à atténuer la dimension tragique et transgressive de la guerre, une forme de poétisation qui la rendait acceptable …
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 09/03/2022
- https://doi.org/10.3917/strat.125.0027
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