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Jean Tanguy, Quand la toile va. L'industrie toiliere bretonne du 16e au 18e siècle

[compte-rendu]

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Comptes rendus

Jean Tanguy, Quand la toile va. L'industrie toiliere bretonne du 16e au 18e siècle, Rennes, éditions Apogée, 1994, 158 p.

Notre collègue Jean Tanguy nous livre enfin le résultat de ses recherches sur la toilerie bretonne, dans un livre synthétique (121 p. de texte), organisé en quatre chapitres, et n'en comprenant pas moins de vingt-sept cartes et graphiques qui viennent à l'appui de sa démonstration, étayée sur une vaste enquête archivistique (dans les ports bretons, anglais et espagnols). Il nous présente successivement la marche de la manufacture des créées, la société toiliere du Léon, l'essor toilier du XVe au XVIIe et ses «retombées» démographiques et artistiques, la crise de la fin du XVIIe et le déclin du XVIIIe siècle.

Soulignons d'abord les caractères originaux de cette proto-industrie bretonne : à la différence des Mauges, du Cambrésis ou de la Picardie, mais comme en Silésie ou en Westphalie, la fabrication des toiles y est entièrement rurale (employant ici plus de 80% de la population), sans aucune domination urbaine, et donc sans développement d'un capitalisme marchand, mais non sans liens, vécus de façon totalement passive, avec le grand commerce international, à la fois pour l'importation des graines de lin baltes (acheminées par des Lubeckois) et pour l'exportation des toiles (par des facteurs étrangers) en Angleterre ou en Espagne. Centrée sur le Haut Léon, autour de Landerneau, avec une annexe en Trégorrois avant 1750, la zone linière est celle d'un puissant kauf-system, où les tisserands (5 à 6000 vers 1680) restent propriétaires de leur métier, s'approvisionnent eux-mêmes en fils blanchis — car ici l'on blanchit les fils et non les toiles — et vendent leur production à des «fabricants» (environ 600) surtout paysans — J. Tanguy n'a relevé qu'un seul cas (probable, p. 42) de Verlegger, de Landivisiau, employeur, en 1753, de 87 «ouvriers» — dont le statut social reste toutefois imprécis : tisserands réellement salariés, ou artisans dépendants ? Que cette absence de capitalisme commercial résulte d'une lutte, au début des Temps Modernes, entre marchands citadins et paysans producteurs, ou de la faiblesse du système féodal en Léon, retenons que les producteurs ne sont pas ici en prise directe avec le marché, et ne sont donc pas incités à améliorer leurs produits, ou leur productivité. Ne faut-il pas chercher dans cette carence de «classe entrepreneuriale» la cause de l'échec précoce de cette proto-industrie ?

Le grand mérite du travail de J. Tanguy est en effet de nous retracer, aussi précisément que ses sources le lui ont permis, la conjoncture de la toilerie léonarde. Le décollage de la fabrication des crées s'opère, après 1470, grâce aux exportations vers le Devon (graphique, p. 68). Après une première, mais brève stagnation, à la fin du règne de Louis XÉ, due sans doute à l'essor de l'industrie toiliere de YEast Anglia, le marché anglais (60000 p. exportées au début du règne personnel de Louis XIV) est définitivement perdu à la fin du règne de Charles II (donc avant la «glorieuse révolution»), à la fois sous l'effet des campagnes protectionnistes (ainsi en 1674 Sir Richard Haines réclame la prohibition des toiles de lin étrangères pour résoudre le problème de la pauvreté), de la concurrence des toiles westphaliennes (osnabruks, tekelinbour- ge, ravensberger des livres de compte des marchands anglais) et de la préférence accordée aux toiles «domestiques» irlandaises et écossaises. L'autre grand marché porteur de l'essor toilier breton, le marché ibérique (Bilbao, par la route terrestre, à la

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