Présentation
(Michel GRANGER)
Université Lumière — Lyon II
The pains lie among the pleasures like sand in rice, not only bad in themselves, but spoiling the good.
Melville, Journals 158
Que la publication de ce numéro ait été retardée, lui permet de participer maintenant à la célébration du centenaire de la mort de Melville. Nul doute que plusieurs recueils d'essais lui auront été consacrés en 1991, ce qui, compte tenu de l'impressionnante de la critique melvillienne, amène à se demander si l'on peut encore écrire des commentaires originaux sur l'œuvre de ce romancier. Les cinq articles qui suivent apportent leur sous des approches diverses, à l'analyse de Moby-Dick et de L'Homme à la confiance, romans complexes qui ne se laissent pas volontiers clore par l'assertion d'un sens univoque définitif. Dans le court espace de cette présentation, je retiendrai deux de l'œuvre de Melville qui ressortent de ces études.
La première me semble résider dans un doute persistant qui empreint la pensée de Melville et entraîne une esthétique de l'incertitude : le narrateur sceptique de Moby-Dick discrédite par son ambiguïté, sa moquerie protectrice et sa parodie des savoirs établis, toutes les prétentions à affirmer une vérité unique. Il sait faire preuve d'une réceptivité tolérante à l'égard du monde et se situe en dehors des oppositions traditionnelles qui excluent. Sa stratégie narrative permet à Melville de rendre caduque toute certitude interprétative et de montrer la difficulté de déchiffrer la
REVUE FRANÇAISE D'ÉTUDES AMÉRICAINES
