Sylvia Murr : L'Inde philosophique entre Bossuet et Voltaire. Paris, Jean Mai-sonneuve, 1988, deux volumes, 247 + 250 p., x 30 cm. (Publications de l'École Française d'Extrême-Orient ».)

Sans pouvoir se prononcer sur la partie proprement indianologique de l'ou¬ vrage, il faut souligner son grand intérêt pour les dix-huitiémistes. Le premier volume offre une édition des Mœurs et coutumes des Indiens (1777), texte inédit du père G.-L. Coeurdoux dans la version du père J.-J. Desvaulx, très soigneuse¬ ment annotée. La question posée par l'Inde, comme celle de la Chine, des juifs ou des musulmans, est celle de l'«autre » des Lumières. Le siècle continue les découvertes du 17e siècle et apprend sa précarité ; il déploie des trésors d'ingénio¬ sité et d'érudition pour trouver dans l'histoire des peuples lointains, la confirma¬ tion de ce qui lui assure sa prééminence depuis tant de temps. Le texte perdu de Coeurdoux fit l'objet de remaniements puis d'une appropriation par l'abbé Jean-Antoine Dubois, sous le titre, Mœurs, institutions et cérémonies des peuples de l'Inde (1825). S. Murr dénoue l'échevau compliqué de la tradition manuscrite. Témoin de l'indianisme jésuite du 18e siècle, ce texte mérite toute l'attention du second volume qui l'explicite et le commente. Il s'agit de contester Voltaire et d'articuler l'apologétique avec les nouvelles données géographiques et ethno¬ graphiques. C'est une archéologie du discours sur l'Inde de l'Europe moderne et contemporaine que donnent ces deux volumes qu'accompagne une imposante bibliographie.