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Civilisations, déc. 1993, XLII (2) : Enquête d'identité. Textes réunis par Vintila mihailescu

[compte-rendu]

Année 1995 134 pp. 191-192
Fait partie d'un numéro thématique : Âges et générations : ordres et désordres
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Civilisations, décembre 1993, XLII (2) : En/quête d'identité. Textes réunis par Vintila Mihailescu. Institut de Sociologie, Université Libre de Bruxelles, 270 p.

Il y a presque vingt ans, Claude Lévi-Strauss affirmait que « l'effort des sciences humaines [doit tendre à] dépasser [la] notion d'identité et voir que son existence est purement théorique : celle d'une limite à quoi ne correspond en réalité aucune expérience»1. Manifestement, cette notion ne se laisse pas aisément dépasser, et l'effort s'inscrit dans la longue durée. Il faut dire qu'en la matière les sciences de l'homme ont à subir les sollicitations de l'environnement, si ce n'est la « demande sociale ». Dans les années 70, l'inquiétude s'exprimait en termes de manque ; on parlait de « crise d'identité ». Dans les années 90, la crainte naît du trop-plein, de l'inflation agressive des affirmations identitaires. D'une manière ou d'une autre, la recherche se voit imposer — ou croit se voir imposer — un objet essentiel.

Cependant, et en dépit du jeu de mot dans le titre de l'ouvrage, la plupart des textes réunis ici sont moins en quête d'une essence de l'identité (notamment ethnique ou nationale) qu'ils ne cherchent à déconstruire celle-ci (ou, ce qui revient au même, à en analyser la construction). Pour paraphraser la formule célèbre, l'existence précède l'identité. Comme l'écrit Vintila Mihailescu dans l'introduction, on n'enterre pas ses morts dans un but identitaire ; une pratique commence à produire de l'identité à partir du moment où ses particularités deviennent conscientes et engendrent un discours sur l'Autre. La démarche « constructi viste » apparaît particulièrement efficace dans le dévoilement des processus de stigmatisation et de domination liés à ce discours {cf. les articles de G. Althabe, « Construction de l'étranger dans les échanges quotidiens » et de R.-M. Lagrave, « L'étranger de l'étranger : les gens du voyage »). La plus simple expression que peut prendre le traitement verbal de l'Autre, à savoir la nomination, et précisément ici 1'« ethnonymisation », offre elle-même dans le dénigrement une richesse d'invention propice à de brillantes variations ethnographiques {cf. « Étranger de tout poil ou comment on désigne l'autre », de M. Mesnil et A. Popova). Cependant, à l'image des rapports d'altérité, les désignations, les ascriptions ethniques sont autrement complexes que ces jeux de stigmatisation. Plusieurs articles analysent les situations d'interaction et démontent les stratégies liées à l'ethnicité dans différentes sociétés européennes. Au terme de l'instrumentalisation politique, l'identité se réifie en patrimoine (A. Morel, « Usages sociaux du patrimoine »).

Nulle complaisance, donc, dans ce dossier d'enquête. C. Bromberger évoque avec justesse une « vision désenchantée de l'identité ». Et il met en garde contre une posture critique qui serait aussi excessive dans le soupçon que les théories substantivistes l'étaient dans la crédulité. Le rôle de l'ethnologue ne doit pas se réduire à « celui d'un Zorro dénonçant les impostures ». Au demeurant, poursuit Bromberger, « T'invention' des traditions est rarement un jeu qui s'effectue ex nihilo » (p. 60), et il invite à « nuancer sensiblement les approches dénonçant, sur un ton volontiers justicier, la facticité des

L'Homme 134, avr.-juin 1995, pp. 191-247.

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