Le crime et le macabre sur scène dans
La infanta Oriana (1852), comédie de
magie de Manuel Fernandez Gonzalez1
Lise JANKOVIC
CREC, Université d'Artois
Les contes de fées ruissellent de sang. Les impulsions meurtrières, la cruauté, les tortures sont leur climat habituel. (Henri-René Lenormand2)
Des corps sans vie tombent sur scène depuis le théâtre classique ; ils tombent sous les yeux du public : spectacle de la mort qui fait tressaillir. Le crime est généralement perpétré à rencontre des héros et il est surtout réservé à la tragédie. Pensons : au double assassinat vindicatif de Federico et Casandra dans El castigosin venganza, de Lope de Vega (1631), au meurtre de dorïa Mencia orchestré par don Gutierre, son mari jaloux dans El médico de su honra, de Calderôn (1 637), au crime passionnel commis par Orosmane dans Zaïre, de Voltaire (1 632), argument repris par le dramaturge espagnol Garcia de la Huerta dans La fe triun- fante del amorycetrooXaira (1784) ou encore au meurtre de don Gonzalo et de don Luis par le Don Juan Tenorio de José Zorrilla (1844).
Dans la tradition théâtrale, l'on observe ainsi le passage du crime hors scène (raconté sur scène par hypotypose) au crime sur scène. La règle aristotélicienne de bienséance a, en effet, longtemps prévalu :
La frayeur et la pitié peuvent assurément naître du spectacle, mais elles peuvent naître aussi du système des faits lui-même : c'est là le procédé qui tient le premier rang et révèle le meilleur poète. Il faut en effet qu'indépendamment du spectacle l'histoire soit ainsi
1 Manuel Fernandez Gonzalez (1821-1888) : romancier feuilletoniste, andalou.
2 Henri-René Lenormand, article de 1944 consacré au Grand Poucet, de Claude-André Puget, cité par Hélène Laplace-Claverie dans Modernes féeries, Paris, Champion, 2007, p. 106.