LECTURES 1 1003
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Crested Kimono. Power and Love in the Japanese Business Family
Matthews Masayuki Hamabata
Cornell University Press, Ithaca et Londres, 1990, 191 pages
La catastrophe- Japon.
Faits et ferments d'une mutation inachevée
Jeanne Sigée
InterTextes Editions, 1991, 351 pages
La maison Yamazaki
Laurence Caillet Pion, Paris, 1991, 644 pages
Ces ouvrages ont en commun d'être des bilans du vécu des affaires au Japon, perçus à travers le monde des femmes japonaises et dans les trois cas établis par des nomades exceptionnels qui ont confronté leur environnement initial à un milieu socialement supérieur. Bien que très différentes, ce sont trois plongées jusqu'aux eaux mères où se génèrent tout à la fois l'illicite, les commandements et les tabous nippons.
Crested Kimono (que l'on pourrait traduire librement par « Les armoiries des femmes ») a pour auteur un professeur de sociologie américain, diplômé de Cornell et de Harvard avant d'enseigner à Yale, Matthews Masayusi Hamabata, petit-fils d'émigrants japonais établis aux Etats-Unis. C'est un « Yankee à visage nippon » dont les enquêtes au Japon ont enfin connu le succès dès qu'il eût compris qu'il devait toujours se présenter comme « un étranger intuitif pour ne pas passer pour un Japonais mal appris et incomplet ». Jeune homme, il était venu à Tokyo pour suivre les travaux qui ont abouti à son livre dont le sous-titre donne l'objet : Pouvoir et sentiments dans les affaires de famille japonaises. A
vrai dire, il aurait fallu préciser, comme on le découvre rapidement, qu'il ne s'agit que d'entreprises appartenant à des familles de la haute société. Il les a explorées grâce aux épouses de présidents ou de directeurs généraux dédaigneux auxquelles il avait été recommandé par une hôtesse américaine renommée, si bien qu'il a pu accomplir son éducation sentimentale des affaires à la japonaise.
Cette expérience rare lui permet de renvoyer au cimetière des clichés les jugements sur l'insignificance du rôle des femmes dans les affaires japonaises familiales, dont il montre au contraire l'importance dans les chapitres intitulés « Maisonnée », « Mort », « Autorité », « Mariage » et « Sentiments ». C'est avec une extrême compétence et un rien de fatuité qu'il propose aux Rastignac étrangers un code de conduite pour conquérir Tokyo avec l'aide des égéries familiales.
Que faut-il donc ne jamais oublier ? Avant tout que le mariage pour toutes les femmes, quel que soit leur rang, est le plus rude des traumatismes par obligation d'abandonner sa maisonnée, ses ancêtres, ses morts, ses liens de tendresse, pour adopter ceux de sa belle- famille après y avoir fait son entrée au tout dernier rang en quasi-servante de sa belle-mère (au moins jusqu'à la naissace du premier garçon) avant d'hériter de son statut après sa disparition. Tout mariage en effet est une affaire dynastique, alliant deux maisons et deux groupes d'affaires, dont dépendront, selon leur poids respectif, les rapports de pouvoirs entre épouse et mari et entre épouse et belle-famille. Si le père de l'épouse est le banquier qui accorde des crédits aux affaires commerciales ou industrielles plus petites du mari, ce sera elle qui aura l'influence déterminante dans son nouvel environnement. Avec de nombreuses variantes selon l'importance de son réseau de relations (keidat- su) et la puissance de sa parentèle (shin- seki) dont vont dépendre en très grande