Couverture collection

Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560). Paris, P.U.P.S., 2005, 475 p. (Corpus vitrearum France, études VI)

[compte-rendu]

Année 2008 166-1 pp. 85-86
Fait partie d'un numéro thématique : La galerie à Paris (XIVe-XVIIe siècle)
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l’illustre dominicain a pu jouer un rôle dans la conception du décor sculpté de la façade strasbourgeoise puisque l’hypothèse avait été soulevée, avec précautions, dès 1899 et à de nombreuses reprises par la suite. Fidèle à la rigueur et l’honnêteté générale de son propos, l’auteur avoue cependant qu’il ne peut pour finir établir de rapports précis et assurés entre la façade qu’il étudie et la littérature exégétique albertienne. On nous permettra de regretter que la question qui anime souterrainement les analyses de B. Van den Bossche n’ait pas été examinée plus précisément. La différence que l’auteur semble établir entre les différents cycles composant ce qu’il considère être un programme d’ensemble et leur agencement dans un tout ne fait pas l’objet d’un questionnement global. Par endroits, une certaine difficulté à qualifier l’objet est perceptible : le terme de «programme iconographique » est ainsi employé et justifié alors qu’est relevée simultanément l’absence de fil conducteur déterminant (p. 143) ; situation finalement assez commune en histoire de l’art médiéval où la recherche se heurte souvent à de tels systèmes non systématiques. En tentant de replacer rapidement le décor sculpté de ces portails dans la longue durée, on relèvera peut-être sa position intermédiaire entre les grands portails dogmatiques des XIIe

et XIIIe siècles et l’orientation prise par la décoration monumentale des édifices dans les deux siècles suivants où les préoccupations éthiques, sinon simplement morales, prennent progressivement plus d’importance. À ce titre, la structure très linéaire et didactique des cycles narratifs tels que ceux de Strasbourg est à mettre en relation avec le développement ultérieur d’une littérature de spiritualité davantage marquée par son attachement à la littéralité du récit biblique que par l’exégèse doctrinale (dans la lignée du Genesis ad litteram de saint Augustin que l’auteur évoque fort à propos. Cette dimension proprement narrative et morale ôte peu à la richesse et la complexité du décor strasbourgeois mais permet de replacer celui-ci dans la longue durée en en faisant un exemple précoce d’une tendance observable par la suite. On regrette enfin l’absence d’une analyse stylistique approfondie de ces sculptures que la critique d’authenticité précise et rigoureuse de B. Van den Bossche rend pourtant dorénavant accessible. On ne peut dans ces lignes, faute d’espace et de compétence, s’avancer plus avant sur ce terrain mais il y a fort à parier que les pistes et les hypothèses soulevées par l’auteur trouveraient à se confirmer ou à s’infirmer par la reprise du dossier stylistique déjà ouvert par V. Beyer ou W. Sauerländer ainsi que par une exploration et une comparaison systématique avec les nombreuses oeuvres françaises ou allemandes antérieures ou contemporaines. L’auteur, fort de cette base de travail solide et éminemment utile, aura certainement à coeur de mener ce travail qui achèvera de placer son ouvrage parmi les plus importantes études pour la sculpture monumentale du Moyen Âge. Jean Marie Guillouët

Vitrail

Danielle Minois, Le vitrail à Troyes : les chantiers et les hommes (1480-1560), Paris, P. U. P. S., 2005, 475 p., 24 fig. en coul., 71 fig. en n. et bl., glossaire -ISBN 2-84050-401-4, 48 €.

(Corpus vitrearum France, études VI) L’ouvrage de D. Minois s’inscrit dans la lignée des travaux sur le vitrail fondés sur le dépouillement et l’analyse des archives (Hérold 1987, Leproux 1988 et 2001, Guidini-Raybaud 2003). L’originalité de la démarche est pourtant réelle. Les verrières neuves n’étant pas mentionnées dans les comptes de fabrique, le défi de reconstituer les chantiers des églises a été relevé, afin de déterminer les dates de pose et le degré de bonne coordination entre les divers corps de métier. L’ouvrage étudie les verrières des églises de Troyes, mais aussi celles du transept sud de la cathédrale de Sens, réalisées par des peintres verriers troyens entre 1500 et 1503. Il se penche aussi sur le métier de peintre verrier, entre 1480, début de l’abondante production de vitraux colorés dont témoigne Troyes, et 1560, fin des grandes campagnes de vitrage des églises. En dehors des cinq parties qui forment le corps du texte, l’ouvrage propose deux importantes annexes : L’activité des peintres verriers est une prosopographie des peintres verriers troyens ; les pièces justificatives, soigneusement retranscrites, représentent environ un quart du volume ; s’ajoute à cette imposante documentation un très utile glossaire. Cette somme de travail considérable, tant de dépouillement et de retranscription des sources que d’analyse et de synthèse, est idéalement servie par une maquette élégante et claire. À une introduction qui dresse un bilan de l’état de la recherche, expose la méthode, et évoque contexte historique et religieux, succède une suite de monographies des églises de Troyes et du transept méridional de la cathédrale de Sens (2e partie). La 3e partie est consacrée aux commanditaires, la 4e à l’étude du métier de peintre verrier ; la 5e étudie en détail les conditions d’élaboration des oeuvres.

Grâce à ce travail, il est possible de connaître l’iconographie des verrières originelles, la date exacte de leur pose et le nom de leurs donateurs. À travers l’analyse des archives, se déroulent à nouveau pour nous les chantiers de la cathédrale de Troyes et de douze églises troyennes : les baies se construisent, sont provisoirement bouchées de pans de bois et torchis, puis garnies de remplages, comblés de pieux de saule et de roseaux liés à l’osier, et enfin vitrés. La donation est faite au plus tard 18 mois après la pose du remplage ; celle de la verrière a lieu dans l’année qui suit la donation. Que les peintres verriers puissent demander aux maçons de revoir le tracé des remplages montre l’étroite coordination entre les corps de métier. Un premier constat concernant l’origine et les conditions de la commande est l’essor de la production après la guerre de Cent ans et l’incendie de la ville en 1524. Entre guerre étrangère et guerres de religion, une période relativement prospère favorise la donation ; mais s’agit-il, comme le pense l’auteur, d’un «mécénat » «artistique » ? Le haut clergé troyen, très cultivé, en phase avec l’humanisme et à l’écoute critique de la Réforme, est à l’origine des idées dominantes reflétées dans les programmes iconographiques, car, d’autres études l’ont montré, le donateur, sauf exception, n’est qu’un payeur. Les commanditaires élaborent avec des théologiens les programmes iconographiques ; le choix du sujet permet donc de déterminer le degré de liberté du donateur : si les sujets rares ou difficiles ne peuvent qu’être imposés par le clergé, les thèmes hagiographiques peuvent témoigner du désir des particuliers de satisfaire leur dévotion à leur saint patron. Selon le Recensement (vol. IV, 1992), l’absence de lien entre les thèmes des verrières témoigne d’une indifférence à une quelconque harmonisation : avec une profonde intelligence de la pensée chrétienne, l’auteur souligne au contraire la cohérence de ces ensembles qui illustrent en un discours argumenté et savant l’histoire du salut. Seul un clergé cultivé a pu élaborer ces programmes ; il l’a donc imposé aux donateurs qui l’ont financé. Parce que «le choix des sujets des verrières posées dans les églises est un reflet de la vie intellectuelle et religieuse » , D. Minois signale en outre les réactions des commanditaires face à la Réforme à travers les thèmes choisis, surtout après 1550 : l’histoire de Daniel ou de Tobie, la légende de l’hostie profanée. Elle montre comment les mêmes thèmes peuvent changer de sens face à un climat de remise en cause de l’Église romaine. Parmi les 66 «verriers » recensés dans les archives entre 1470 et 1560, 37 peuvent être considérés comme des peintres verriers. Regroupés autour de la collégiale Saint-Urbain, ils travaillent au sein de structures Bibliographie

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