Couverture fascicule

Youri Levada et al., Entre le passé et l'avenir : l'homme soviétique ordinaire. Enquête, traduit du russe par Jacqueline Torjman et Alexis Berelowitch, préface par Alexis Berelowitch, 1993

[compte-rendu]

Année 1995 8 pp. 120-122
Fait partie d'un numéro thématique : La culture populaire slave
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120 NOUS AVONS LU

Histoire et civilisation

Youri LEVADA et al., Entre le passé et l'avenir : l'homme soviétique ordinaire. Enquête, traduit du russe par Jacqueline Torjman et Alexis Berelowitch, préface par Alexis Berelowitch, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1993, 359 p.

À l'époque de Staline, la sociologie, définie comme une science « petite- bourgeoise » ne pouvait exister ; le Parti communiste étant le détenteur exclusif de la science et de la connaissance de la société.

Avec la déstalinisation de la deuxième moitié des années cinquante, elle essaya de se constituer. Mais à l'époque, elle se vit interdire toute étude théorique et elle resta cantonnée à des études concrètes, pouvant avoir une utilité pratique immédiate. Les sociologues qui sortaient du cadre qui leur était fixé se virent sanctionnés, comme ce fut le cas de Youri Levada, démis de ses fonctions en 1972.

Pendant le temps de l'immobilisme et du silence, les recherches se sont faites en marge du système officiel et c'est la période de la glasnost qui a vu l'avènement d'une sociologie au grand jour (on évalue alors le nombre des sociologues entre quinze et vingt mille). Il devient à la mode de les engager dans les entreprises et l'on ose traiter publiquement de sujets tabous jusque-là, comme le sexe ou la drogue, pendant que se répandent les sondages.

Le présent ouvrage essaie de cerner les caractéristiques de l'« Homo sovieticus » à partir d'un sondage (100 questions posées à 2 700 personnes) opéré en novembre 1989, époque de fracture, disent les auteurs, donc particulièrement révélatrice.

QUELLES SONT CES CARACTÉRISTIQUES D'APRÈS EUX ?

1 . Le dualisme.

Le modèle de l'homme soviétique s'est constitué par opposition au monde extérieur (le rideau de fer est le

symbole de cette époque où le monde était bipolaire). Mais « autre » peut signifier « meilleur » ou « pire » ; d'où le jeu de mots sovok « pelle à ordure » ou « Soviétique ».

Cet homme ne s'imagine pas à l'extérieur d'une structure d'État « englobante » en regard de laquelle l'individu est infantilisé, au plus adolescent. Cette société est hiérarchisée, et l'acceptation de cette hiérarchie s'oppose à l'aspiration officielle à l'égalita- risme.

L'élimination de l'élite, la bureaucratisation, le système d'endoctrinement de masse conduisent à l'affirmation que l'homme soviétique est un homme simple, transparent, conscient qu'il lui faut avant tout rester dans la norme.

Mais, de fait, ceci aboutit à une dualité : entre les critères « il faut » et « ceci est légal » la césure existe ; tout comme entre l'apparence (ce qu'on dit, les slogans) et ce qu'on fait et, de même, entre la responsabilité de chacun envers le collectif et l'irresponsabilité de l'individu fondu dans ce collectif, entre le travail bâclé et le travail au noir, etc. D'où une société hypocrite.

2. La soumission.

Le totalitarisme de la société vise à former un homme obéissant : ainsi fonctionnent l'école et le système de service militaire avec la dedovcht- china : terreur et violence exercées sur les plus jeunes par les plus âgés, qui vise à les socialiser en les faisant passer par le rôle d'objet, puis de sujet de la violence.

Tout le système, donc, indique que le chef est responsable devant sa hiérarchie et non devant ses subordonnés. D'où une espérance, fréquente chez un peuple découragé

LA REVUE RUSSE, Paris, 8, 1995.

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