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Alain de Libéra, Raison et foi archéologie d'une crise d'Albert le Grand à Jean-Paul II, 2003

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Alain de Libéra

RAISON ET FOI

ARCHÉOLOGIE D'UNE CRISE

D'ALBERT LE GRAND À JEAN-PAUL II

Éditions du Seuil, 2003, 495 p.

Alain de Libéra1 poursuit depuis vingt ans une lecture des grands textes philosophiques du Moyen Âge qui est exceptionnelle à la fois par son étendue et par la profondeur de son investigation. Revenant souvent sur les mêmes sujets, il a ainsi étudié et interprété Thomas d'Aquin, Albert le Grand, maître Eckhart, Abélard, Guillaume d'Oc- cam, Scot Érigène, Gerson... Il a même, il y a quelques années, dans un ouvrage intitulé Penser au Moyen Âge, et afin d'éviter beaucoup de confusions, poussé le soucis de la précision jusqu'à transposer dans les catégories d'aujourd'hui les concepts et les idées des textes anciens. Ce qui le distingue aussi de beaucoup d'exégètes, c'est qu'il étend son investigation aux antécédents et aux sources de cette pensée. Le Moyen Âge occidental n'a pas été une civilisation repliée sur elle-même comme on l'a longtemps cru, mais au contraire une culture largement accueillante aux apports extérieurs. Les auteurs juifs et arabes, par exemple, ne lui étaient nullement étrangers.

Et aujourd'hui Alain de Libéra consacre un gros volume aux sources médiévales d'un sujet toujours d'actualité : les rapports entre la foi et la raison, soit entre la vérité révélée et la vérité scientifique. Sujet tellement d'actualité qu'il a encore fait l'objet de deux encycliques du pape Jean-Paul II, Vides et ratio et Veritatis Splendor.

Ce problème, en effet, remonte loin. Un des premiers à l'aborder fut le cordouan Averroès qui avait déjà été étudié par Renan. Mais les sources étaient moins abondantes à cette époque et les conclusions de Renan, ou même de Durkheim, doivent être revues. Alain de Libéra a étudié

roès ailleurs. Dans ce livre-ci il se penche surtout sur le rhénan Albert le Grand, et, dans une moindre mesure, sur Thomas d'Aquin et maître Eckhart.

Averroès était juriste (cadi) autant que philosophe et son souci était de justifier l'utilisation de la raison (la raison aristotélicienne) dans l'interprétation des dispositions pratiques des textes sacrés de l'islam. Il avait, à cet effet, distingué dans l'exercice de la pensée, d'une part un « intellect» proprement dit, ou «intellect hylique», de substance éternelle, disposition dépouillée de toutes formes matérielles, et d'autre part un «intellect agent» destiné à mouvoir cette disposition et rendant intelligibles les formes et les données de la réflexion. Le but ultime de l'homme devait être l'union de ces deux intellects, l'usage de l'un étant indispensable à l'autre.

L'usage de la raison devait par là devenir indispensable à l'étude des textes sacrés, soit donc à la foi elle-même. Toute la problématique qui s'en est suivi, tant au sein de l'islam (avec notamment al-Ghazâlî), qu'au sein de la chrétienté (avec les auteurs qu'étudie ici Alain de Libéra) tenait à voir si la distinction entre ces deux éléments et leur union agissante étaient conciliables avec la conception très stricte de l'unité divine du monothéisme commun aux deux religions - c'est-à-dire donc, en termes plus familiers, si raison et foi étaient ou non distincts et, étant distincts, s'ils étaient conciliables.

C'est avec l'intrusion des textes d' Averroès2 dans l'univers de la chrétienté au xme siècle (les premières traductions latines datent des années 1220-1230) que la question va secouer toute la sco- lastique médiévale. La difficulté est qu' Averroès a commencé par être mal compris par les auteurs chrétiens. Ce qu'on a appelé l'« averroïsme latin» a été une suite de confusions qui ont abouti tantôt à l'acceptation enthousiaste des thèses d'Averroès, tantôt à leur rejet horrifié. Pour les tenants de la première de ces lectures, l'intellect agent d'Aver-

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