Sonus in metaphora, 19‑34

Au xxiie siècle avant notre ère, Gudéa régnait sur la cité de Lagaš (en Irak actuelle). Les fouilles archéologiques menées en Orient depuis le milieu du xixe siècle de notre ère ont permis de mettre au jour plusieurs statues le représentant en prière1. Dans un texte littéraire en sumérien inscrit sur deux cylindres en argile, Gudéa raconte comment le grand Ningirsu lui a commandé la construction de sa nouvelle demeure terrestre : son temple. Que ce soit dans ces cylindres ou ses statues, Gudéa est présenté comme doué des plus hautes qualités qu’ un être humain puisse avoir. Le dieu Ningirsu déclare que Gudéa est «d’ oreille large » (ĝeštu 3 daĝal) ; ou encore, que Gudéa «place l’ oreille » (ĝeštu 3 ĝar) pour mieux être attentif aux demandes de son dieu et ne se reposera que lorsque les travaux seront achevés2. Il s’ agit là d’ expressions littéraires fréquemment employées en sumérien pour décrire un être doué de sagesse. «Être large d’ oreille » serait une qualité propre à l’ être humain qui écoute les volontés émanant du monde divin. En s’ interrogeant sur l’ imaginaire acoustique tel qu’ il apparaît dans la littérature sumérienne, nous pouvons approfondir notre compréhension de cette expression, qui semble intégrer l’ ensemble des valeurs esthétiques relatives à l’ expérience sensible du quotidien. Le sumérien est un isolat linguistique, qui fut parlé dans le sud de la Mésopotamie pendant tout le iiie millénaire avant notre ère. Cette langue est attestée sur des tablettes

Du Déluge qui rugit au silence des nourrissons L’ imaginaire sonore dans la littérature sumérienne