Comptes rendus

que contribue Y Essai sur V idéologie de Daniel Vidal, étape dans une démarche dont la suite a été publiée peu de temps avant dans une note sur l'idéologie (L'Homme et la Société, n° 17, 1970) qui est plus particulière¬ ment consacrée au fonctionnement de l'idéologie comme instance spécifique d'une formation sociale. L'ouvrage qui nous concerne ici se présente comme conjonction d'un travail théo¬ rique et d'une application de ce tra¬ vail au déchiffrement de réponses recueillies par questionnaire auprès des syndicalistes. Les développements théoriques composent une tentative pour dégager un système concep¬ tuel qui réponde aux deux questions posées plus haut, d'une part celle de la délimitation du champ de l'idéo¬ logie et de son rapport au champ des pratiques, d'autre part le rapport entre l'idéologie et le système discur¬ sif qui l'analyse, rapport qu'éclairent les recherches récentes du courant structuralisé.

Ce rapide aperçu du contenu théo¬ rique de l'ouvrage manifeste qu'un des problèmes posés par le projet d'une sociologie des idéologies est totalement délaissé. Si le problème des conditions de possibilité théorique de ce projet est magistralement cerné, le recueil et le traitement des maté¬ riaux manifeste à l'évidence le déca¬ lage entre les propositions théoriques et l'analyse des idéologies syndicales. L'énoncé des «questions idéologiques » du questionnaire est un premier sujet d'étonnement pour le lecteur que les cinquante premières pages ont amené à se méfier des pièges de la question de l'idéologie, mais ensuite le traite¬ ment des réponses selon une grille de situation non justifiée, l'interpré¬ tation en termes de radicalisme ou de réformisme, le découpage même des catégories idéologiques confirment la distance entre la rigueur de la partie théorique et l'arbitraire du travail d'enquête. A la limite, cette partie se présente comme une analyse des opinions des acteurs sociaux, c'est-à-dire qu'elle offre l'exemple d'une conception de l'idéologie dont la

démarche théorique tentait de se démarquer.

Comment comprendre ce décalage ? Accuser l'auteur de mépris à l'égard du matériel ou invoquer les circons¬ tances qui ont déterminé le plan d'enquête ne peut servir qu'à masquer le problème énoncé au début de cette critique : le travail de construction du concept d'idéologie, démarqué de ses récupérations par la sociologie non marxiste ne suffit pas à fonder une science des idéologies. Parallèlement il est nécessaire d'effectuer une cri¬ tique tout aussi radicale des méthodes (questionnaires, traitement statisti¬ que, ...) grâce auxquelles l'idéologie dominante parvient à investir le champ de la sociologie, se faisant grâce à elles passer pour science. Sans doute Vidal a perçu le problème, lorsqu'il tente — dans une perspective laca-nienne — de travailler son matériel en y repérant des «obstacles », c'est-à-dire de décentrer l'analyse par rap¬ port au discours des acteurs, mais certaines conclusions indiquent dans leur trivialité que la critique doit aussi être portée sur le terrain de la méthode. Ainsi la partie consacrée aux idéologies syndicales fait-elle appa¬ raître en creux la nécessité d'un tra¬ vail complémentaire à celui de la partie théorique, mais portant sur les outils, outils forgés par une socio¬ logie au service de l'idéologie domi¬ nante, et donc tordue pour un repé¬ rage du travail de cette idéologie.

Renaud Dulong

Denise Jodelet, Jean Viet, Phi¬ lippe Besnard, La psychologie so¬ ciale, une discipline en mouvement , préface de Serge Moscovici, Paris, Mouton, 1970, 470 p.

Faire découvrir une discipline en mouvement, telle est d'abord l'ambi¬ tion de cet ouvrage à travers sa pré¬ face, rédigée par Serge Moscovici. En mouvement la psycho-sociologie l'est dans sa recherche d'une cohé-

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