230 revue des études anciennes
À l’invitation des Publications de l’Université de Rennes, Véronique Dasen (VD) a réuni ses articles en un seul ouvrage. On ne peut que saluer cette heureuse initiative qui permet d’accéder aux travaux d’une pionnière dans l’histoire de la maternité et de la petite enfance. Le titre de l’ouvrage à première vue énigmatique renvoie à la figure d’Omphale représentée sur la pierre magique qui illustre la couverture. Le sourire d’Omphale serait emblématique de la
certitude des femmes d’exercer le seul pouvoir
qui compte, celui de donner la vie. Dans son introduction générale (p. 9-18), VD situe son parcours dans le renouveau
de l’Histoire de la maternité dont elle
rappelle les jalons au fil des différents projets pluridisciplinaires auxquels elle a participé. Elle
souligne la complexité d’une documentation disparate et le plus souvent fragmentaire avant de présenter la structure de son livre et les
différentes thématiques qui le composent. La première partie, Le secret d’Omphale
(p. 21-108), comprend trois chapitres qui sont
centrés sur l’image du corps féminin pendant
la grossesse. Dans le chapitre I intitulé «Sexe et sexualité des pierres » (p. 25-51), il est question des correspondances entre l’être humain et le minéral à travers la vie des
pierres, leur naissance, leur croissance, leur genre et leurs vertus comme amulettes. Le
chapitre II : «Métamorphoses de l’utérus, de la ventouse à la Gorgone » (p. 53-85) entraîne le lecteur dans l’imaginaire de la matrice – des intailles de l’époque romaine impériale aux représentations du XVIIIe siècle. En raison de son autonomie et de ses mouvements qui pour le médecin hippocratique obéissent à «une logique mécanique et hydraulique » (p. 57), la
matrice prend la forme d’une ventouse médicale
renversée quand elle n’est pas assimilée à une pieuvre ou à une grenouille. Dans le chapitre III (p. 86-108), l’étude du motif gravé de l’Omphale sur les gemmes magiques dites utérines, ne renvoie pas à la séduction érotique mais à la nécessaire protection de la mère et de l’enfant
contre les forces malfaisantes.
La deuxième partie : «Voir l’invisible » traite de l’embryon (p. 111-215). Sous le titre «Exister avant de naître » (chapitre IV, p. 113‑152), il est question des théories grecques et romaines sur la conception avant que ne
soient étudiées les représentations du foetus aux différents stades de son développement.
À l’appui de sa démonstration, VD énumère des ex-voto italo-étrusques, des hochets anthropomorphes, des gemmes égyptiennes, et enfin les «embryons sacrés » de l’iconographie chrétienne entre le XIVe et le XVIe siècle. Le chapitre suivant porte sur les taches de naissance (chapitre V, p. 153-177). Dans l’Antiquité, trois explications étaient données à ces anomalies. La mère imprime des marques sur le corps de son
enfant par son régime de vie, par ses envies ou
par ce qu’elle a vu. Quand la tache est d’origine paternelle, elle devient un signe héréditaire et une marque de reconnaissance. Enfin, en cas de filiation divine, elle est le sceau du surnaturel. Dans le chapitre VI (p. 179-196), VD s’intéresse
au regard des astrologues en développant un
aspect de la recherche qu’elle a menée sur les jumeaux dans l’Antiquité. Après avoir montré
comment l’astrologie s’est servie ou non des savoirs médicaux, elle présente les différentes
spéculations ainsi que la teneur des débats développés autour de ce thème – des auteurs de l’époque impériale aux Pères de l’Église. Doté d’un titre paradoxal «Mourir avant de naître » (p. 197-215), ce chapitre est centré
sur les tribulations de la momie d’un enfant
anencéphale, découverte en 1820 dans une nécropole de Moyenne Égypte et rapportée en France en 1825 pour être étudiée par E. Geoffroy D asen (V.), Le sourire d’Omphale. Maternité et petite enfance dans l’Antiquité. -Rennes : Presses
Universitaires de Rennes, 2015. -404 p. : bibliogr., index, fig. -(Histoire, ISSN : 1255.2364 ; série : Histoire ancienne). -ISBN : 978.2.7535.4015.6.