A LA MEMOIRE DE

Charles FOURNIAU (1921-2010)

Disparu en avril 2010, Charles Fourniau était un des rares spécialistes français de l'histoire du Vietnam avant les années 1990 et, à ce titre, il a contribué à la survie de cette spécialité jusqu'à la floraison de travaux de la dernière décennie, par les recherches collectives qu'il a coordonnées d'une part, à travers son œuvre personnelle d'autre part.

Charles Fourniau était venu sur le tard à l'histoire du Vietnam, un pays qu'il avait découvert par le biais de son engagement communiste à l'occasion d'une visite à Hanoi en compagnie de Jean Chesneaux en i960 et d'un séjour de deux ans dans la capitale de la RDV (1963-65) comme correspondant de 1. Cet engagement militant a été essentiel pour Charles Fourniau, et si sa description n'est pas l'objet du texte qui suit, il est nécessaire de signaler l'implication motrice qui en découla de sa part dans les activités de des Amitiés franco-vietnamiennes et du Centre d'Information et de sur le Vietnam, ainsi que les nombreuses publications autres que scientifiques liées à ces convictions 2. Agrégé d'Histoire et tombé amoureux du peuple vietnamien, Charles Fourniau entreprit naturellement une Thèse d'Etat, sous la direction de Pierre Renouvin, puis sous celle de Jean-Louis Miège. Soutenu en 1983 3, ce travail est un vrai modèle d'érudition sur le mouvement national vietnamien et sur les politiques menées par les autorités coloniales successives. Pour celles-ci, Charles Fourniau met en lumière le rôle de Jean-Marie de Lanessan (il est plus critique quant au rôle de Paul Bert) qui organise une politique de « Protectorat » au début des années 1890, c'est-à-dire une politique d'association avant la lettre, ainsi que les différents groupes de pression qui s'agitent autour du Tonkin. Pour la résistance vietnamienne, Charles Fourniau insiste sur le fait qu'elle était réellement nationale, il met en exergue l'action de certains Lettrés (Phan Dinh Phung notamment) et il attribue l'échec final du Can Vuong au fait que les principes traditionnels qui guidaient les Lettrés ne prenaient pas assez en compte le facteur social comme fondement de la résistance aux Français. Ces thèmes pourront sembler en notre début de XXIe siècle, mais ils sont fondés sur un raisonnement solide et nombre de sources de qualité, ce que validèrent des membres du jury aussi peu suspects de sympathie pour la RDV que Jean-Louis Miège ou Pierre-Bernard Lafont. Après la soutenance de sa Thèse, Charles Fourniau a continué à produire sur l'histoire du Vietnam, mais en élargissant sa période de référence. En amont, il a travaillé sur les groupes de pression français de Saigon dans les années 1870 et au rôle qu'ils avaient joué dans la conquête du Tonkin, auxquels il a consacré plusieurs passages d'un ouvrage collectif rédigé avec

Outre-Mers, T. 96, N°3S8-3S9 (2008)