Couverture fascicule

Yannick Portebois, Les saisons de la langue. Les écrivains et la réforme de l'orthographe de l'Expositon universelle de 1889 à la Première Guerre mondiale, Paris, Champion, Bibliothèque de Grammaire et de Linguistique, n° 3, 1998

[compte-rendu]

Année 1999 81 pp. 58-59
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L'admirable livre de Yannick Portebois fait magistralement le tour d'une question controversée, et - à vrai dire, non sans un certain paradoxe - quelque peu obscurcie par les travaux systémiques même qui eussent dû aider à sortir de Y imbroglio des tenants et des aboutissants de toute discussion relative à l'orthographie. Dans sa morphologie même, ce dernier terme ne peut probablement être que porteur de malentendus, entre des positions figées opiniâtrement défendues, et des positions plus souples, modelées par les nécessités de l'usage, vigoureusement soutenues par des utilisateurs de nature et d'origine diverses, écrivains, mais aussi grammairiens, linguistes, philologues ou autres. Mais, entre ortho- et cacc- ces divers discours relatifs à la graphie se résolvent toujours en une abondante cacophonie, à l'issue de laquelle les meilleurs esprits se déclarent blasés partant de non-dit ou de violences idéologiques gratuites...

L'auteure du présent ouvrage, après plus d'un demi-siècle de débats enfiévrés, et les derniers assauts politiques et institutionnels, voire universitaires, bien connus de cette décennie, a donc eu l'excellente idée de retourner aux sources des débats, et de suspendre son jugement afin de réexaminer sur pièces :

1° ce qu'on lit aujourd'hui de ce qui avait été jadis écrit en de circonstances historiques bien précises et spécifiques ;

2° ce que l'on a écrit de ce que certains auteurs av/ur-aient dit ;

3° et ce qui avait été dit de ce que tout ce beau monde avait réellement écrit.

C'est dire que Yannick Portebois a dû se confronter à une masse énorme de documents, et qu'elle a su en recouper les informations afin de mieux discerner ce qui était en eux de l'ordre du factuel, de l'objectai et de l'ob- jectable en tant que tel, et ce qui - au fil de l'histoire - leur avait été ajouté de suppléments idéologiques plus ou moins subjectifs, et - en tout état de cause - aussi arbitraires que contingents.

L'ensemble produit un effet salutaire de dépoussiérage de textes et documents que l'on croyait connaître, mais dont on n'avait le plus souvent qu'une vision indirecte, voire tronquée ou déformée par les partis-pris des cita- teurs. Et la ligne directrice de l'ouvrage ne s'impose qu'avec un peu plus de force, une fois retrouvée l'évidence masquée : écrivains et critiques littéraires, en marge des linguistes et grammairiens de profession, n'ont pas nécessairement développé sur le statut de l'orthographe des discours réactionnaires, ni allumé d'innombrables contre-feux rétrogrades de droite pour faire échec aux libelles réformateurs de l'orthographe, souvent dotés dans leurs allures des caractéristiques de brûlots provocateurs issus de la gauche politique. Généralement sensibles à ce que l'on nomme aujourd'hui sentiment épilinguistique de la langue, ces écrivains ont plutôt - comme en témoigne l'examen sur pièces de leurs affirmations - cherché à défendre des positions prenant en compte le rôle de l'orthographe dans la structuration des textes comme objets de transaction entre un auteur et son public, d'où - généralement - des attitudes nuancées, plutôt conservatrices, mais non sans raisons, fondées dans la plupart des cas sur l'observation des nécessités de la communication. Chemin faisant, Yannick Portebois offre là une très belle et très utile illustration de l'inanité du clivage trop longtemps prolongé entre langue et littérature.

Organisé en deux parties, son ouvrage laisse très intelligemment au lecteur le soin de se faire une opinion sur la validité de ses conclusions. L'introduction - Un lieu de parole [1 1 -42] - resitue le problème de l'histoire de l'orthographe dans la moyenne durée historique, avec une insistance

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