Chronique des fouilles médiévales en France

343

FOSSES (Val-d'Oise). Un centre de production de céramiques en Ile-de-France du /x° au xvif siècle

Découvert en 1989, le site potier de Fosses a déjà fait l'objet de 5 campagnes de fouilles menées conjointement par le Musée National des ATP et l'association JPGF de Villiers-le-Bel. Les deux premières campagnes de fouilles effectuées en 1991 et 1992 ont révélé l'importance du centre de production durant le Moyen Âge. Il comprenait au moins 7 ateliers répartis dans le village, qui ont fonctionné sans discontinuité évidente depuis l'époque caro¬ lingienne jusqu'au milieu du xviie siècle (A.M., t. 23, 473 et suivantes). La troisième campagne, réalisée en 1993, a mis en évidence plus de 140 structures archéologiques comprenant 2 unités de production qui ont fonctionné dès le milieu du xiie siècle jusqu'au début du xine siècle (A.M., t. 24, 544-546).

En 1994, deux nouvelles campagnes de fouilles ont été effec¬ tuées : un 9e atelier situé à la sortie Ouest du village, datable du xvie siècle, et un 10e site de production situé au cœur de l'agglo¬ mération, près de l'église, comportant au moins 5 ateliers succes¬ sifs qui ont fonctionné sans interruption du XIe siècle jusqu'au milieu du xvie siècle.

1. Le Sf atelier (seconde moitié du xvf siècle). Trois structures principales ont été mises au jour : un four de type longitudinal, une tessonnière située à l'arrière du four et un bâtiment contem¬ porain du four (maison ou atelier ?).

Le four est situé en bordure de la route de Fosses à Bellefontaine. Il est de construction soignée, utilisant la pierre, la brique et la tuile. L'ensemble, qui mesure près de 11 m de longueur, comprend une aire de chauffe excavée (L = 1,7 m et 1 = 1,3 m), un foyer semi-excavé (L = 1,2 m et 1 = 1,25 m), dallé de grosses pierres calcaires et un laboratoire formant un long couloir de forme légèrement trapézoïdale, d'environ 7 m2, sé¬ paré du foyer par une marche transversale et dont l'accès se faisait par l'arrière. La sole a une pente moyenne de 17 %, elle est constituée d'un radier de caillasses damées, épais de 25 à 30 cm, recouvert d'une couche très compacte de tessons écra¬ sés. Le voûtement du four comporte deux parties : une voûte de tuiles sur le foyer puis une voûte de poteries empilées (coque-mars) sur le laboratoire.

La tessonnière est formée d'une cuvette creusée dans le limon (L = 2,3 m, 1 = 2,1 m et p = 0,3 m). Les céramiques qui y ont été recueillies sont en grande partie des coquemars (60 à 70 %), le reste étant constitué de marmites, pots à verseur tubulaire, cruches, bassins, jattes, terrines à tenons, écuelles et coupelles. Les céramiques glaçurées (10 à 15 %) sont essentiellement des formes ouvertes avec une glaçure interne de couleur vert foncé à jaune. L'ensemble daterait du xvie siècle, par analogie avec des céramiques semblables recueillies en contexte d'utilisation, à Paris et dans le Nord de l'Ile-de-France.

2. Le l(f site de production (xf à milieu xvf siècle). Dans les parties nord et est du secteur environnant l'église, 18 structures creusées dans le substrat et datant de l'époque mérovingienne au xiie siècle ont été observées (fonds de cabane, silos, trous de poteaux...).

À l'Ouest, des milliers de tessons des xiie, xiiie et xive siècles mélangés à des sédiments rubéfiés indiquaient la présence d'ate¬

liers dans ce secteur. Des sondages ont confirmé l'existence d'un four comblé en tessonnière avec une production datable de la fin xiie-début xiiie siècle.

Des céramiques glaçurées attribuables au Xe siècle ont été recueillies au S.E. du secteur.

Enfin l'aire centrale formant quadrilatère (L = 30 m et 1 = 15 à 20 m) était entièrement recouverte de tessons de poteries du xvie siècle. Une ancienne parcelle matérialisée par des murs y a été mise en évidence. Elle recelait les restes d'un atelier de potier du xvie siècle. Plusieurs autres ateliers aux vestiges imbriqués et/ou superposés ont aussi été découverts dans cette aire : un ensemble milieu xiiie-début xive siècle, un ensemble moitié xie-milieu xiie siècle et un atelier des xive-xve siècles.

L'atelier du xvie siècle présente deux ailes bâties de chaque côté d'une cour centrale. L'aile Ouest longue de 15 m et large de près de 6 m comprenait le logis au Nord, avec un foyer et une cheminée en plâtre, et l'atelier de tournage au Sud avec 3 empla¬ cements de tour. L'aile est, de taille équivalente comprenait le four au Nord, une aire de travail excavée, un appentis et une pièce rectangulaire (3,5 x 2,5 m) avec un accès vers la cour. Des fosses d'extraction et/ou de stockage de l'argile, des tessonnières et un puits ont été retrouvés au Nord de la cour. Le sol de celle-ci était entièrement recouvert de tessons et de plaques d'argile mélangés à des détritus domestiques, formant une sorte de radier très compact. Le four, dont la partie arrière est arasée, présente un plan et un mode de construction semblables à ceux du four du 9e atelier mais sa taille est supérieure. D'après sa production, ce four aurait fonctionné pendant environ un demi siècle et la fin de son activité se situerait aux environs de 1550-1560. Aucune trace de réoccupation postérieure au xvie siècle n'a été relevée sur l'ensemble de la parcelle.

L'atelier du xme-xive siècle, situé sous le précédent, présentait déjà, semble-t-il, une organisation spatiale similaire. Le matériel céramique permet de situer ces vestiges entre la première moitié du xiiie siècle et le milieu du xive siècle. L'aile ouest, fouillée en partie, présente 4 séquences chronologiques d'occupation :

a) un premier atelier avec son four et une aire de travail, datable de la première moitié du xine siècle ;

b) un second atelier aménagé après le milieu du xine siècle, avec un four plus élaboré construit en pierres et en tuiles sur l'emplacement du précédent ;

c) une démolition partielle du four avec aménagement d'une petite cave ou cellier dans le début du xrve siècle ;

d) abandon du cellier dans le courant du xive siècle, qui est comblé avec la production d'un four situé à proximité. Ce four et l'atelier qui lui est associé seront étudiés plus précisément en 1995.

Le four appartenant à la seconde séquence (b) est de type longitudinal. L'aire de chauffe, excavée, est encadrée de murs. L'entrée du laboratoire est barrée par une marche qui supporte un pilier central en pierre. La sole est fortement inclinée (environ 30°), elle est conservée sur près de 2,5 m (sa partie arrière est arasée). Le voûtement du four comporte deux parties, des tuiles jusqu'à l'entrée du laboratoire puis des arceaux de poteries

Archéologie Médiévale, Tome XXV, p. 191-365, © CNRS Éditions 1995