Sulpice Sévère. Gallus. Dialogues sur les «vertus » de saint Martin. Introduction, texte critique, traduction et notes par Jacques Fontaine, avec la collaboration de Nicole Dupré, Paris, Cerf, 2006, 380 pages (Sources chrétiennes 510), ISBN 978-2-204-08302-7, 41 €. Dans cette oeuvre en trois livres, Sulpice Sévère, par ailleurs auteur d’une Vie de Martin, met en scène un dialogue avec un certain Gallus qui fut disciple du moine et évêque Martin de Tours. Le premier livre est consacré à Postumien, de retour d’Égypte où il est allé rencontrer les célèbres moines ; il est passé par Carthage et la Cyrénaïque, pour aboutir à Alexandrie où il ne s’attarda pas, car la querelle origéniste y sévissait ; il se rendit alors à Bethléem où il séjourna six mois auprès de Jérôme, pour revenir à Alexandrie et remonter jusqu’en Thébaïde où il rencontra des moines ; il visita aussi les deux monastères d’Antoine ; il remarqua particulièrement le rôle joué par les abbés, qui exerçaient une autorité inflexible dont il donne des exemples frappants ; il constata aussi que la Vie de Martin était déjà très connue partout et jouissait d’un grand prestige. Postumien rapporte les exploits des moines, et son récit présente nombre de points communs avec l’Histoire des moines en Égypte, un autre récit de pèlerinage auprès des moines égyptiens rédigé quelques années auparavant (vers 400). Dans le deuxième livre, c’est Gallus qui prend la parole, non pas pour redire ce qu’a déjà écrit Sulpice, ni pour répéter ce qu’il a entendu sur Martin, mais pour rapporter ce qu’il a vu lui-même. Dans ces dialogues, le témoignage oculaire face à l’incrédulité tient une grande place. Gallus montre Martin prêchant et instituant des catéchumènes, faisant des miracles et exerçant la charité ; à plusieurs reprises, l’évêque rencontre l’empereur, y compris Maxime, dont Sulpice a d’ailleurs une bonne opinion ; il rapporte les révélations qu’il a eues sur la fin du monde et qui montrent que celle-ci n’est pas éloignée. Dans le troisième livre, Gallus poursuit son entretien, en présence de plusieurs clercs venus rejoindre le groupe. C’est ici que Sulpice rapporte l’intervention de Martin à Trèves lors de la condamnation de l’ascète Priscillien et des persécutions qui s’ensuivirent. Le contexte de ces entretiens est mélancolique et désabusé. Nombre d’évêques gaulois manifestent en effet de l’hostilité à l’égard du monachisme de Martin. La réalité de ses miracles est contestée. Aussi l’objectif de Sulpice est-il de faire l’apologie de Martin et de légitimer son action. Contester ses miracles revient à mettre en cause le fait que Jésus a annoncé ceux que feraient ses disciples. Le témoignage de Postumien montre que la Vie est appréciée par les fondateurs du monachisme oriental ; bien plus, il établit que Martin a réalisé des miracles plus nombreux et spectaculaires, et dans des conditions plus difficiles, que les célèbres moines égyptiens. D’ailleurs Postumien ira faire connaître ce qui concerne Martin «aux Orientaux, afin d’empêcher ceux-ci de se juger supérieurs aux Occidentaux, en se comparant à Martin » et que l’on sache que «les Gaules n’ont été en aucune façon délaissées par le Christ, puisqu’il leur a donné d’avoir Martin » . L’introduction assez développée de J. Fontaine, qui a déjà publié la Vie de Martin aux Sources chrétiennes (n° 132), propose la date de 404 pour la