Avant-propos

Claire-Anne de CHAZELLES *

Depuis quelques années, la recherche est entrée à nouveau dans une phase dynamique en Languedoc occidental et en Roussillon, avec la reprise des fouilles archéologiques à Salses, Mailhac, Montlaurès et Béziers, ainsi qu'à travers des travaux de synthèse sur le mobilier céramique, les contextes funéraires et l'épigraphie. Il pouvait sembler prématuré, par conséquent, de provoquer dès maintenant une rencontre sur le thème de l'ibérisme en Languedoc-Roussillon dans la mesure où les résultats concrets n'ont pas été renouvelés de manière quantitativement très importante depuis une quinzaine d'années, c'est-à-dire depuis la table ronde sur le Premier âge du Fer languedocien, réunie en 1975, ou le symposium sur Les origines du monde ibérique, en 1977 K Or, précisément puisque de nouvelles équipes se mettaient en place, il convenait de confronter les opinions — parfois contradictoires — des chercheurs engagés dans cette voie, afin d'essayer de redéfinir, peut-être, le concept même d'ibéri- sation pour les régions situées entre les Pyrénées et le fleuve Hérault.

Les textes recueillis dans cet ouvrage sont issus des communications présentées le jour de la table ronde, intitulée "Le Languedoc-Roussillon ibérique : le point sur la question", qui s'est tenue le 1 1 mars 1992, dans le cadre des séminaires organisés à Lattes par le Service Régional de l'Archéologie et l'UPR 290 du CNRS. Il est regrettable que les interventions relatives au domaine funéraire — l'une de G. Marchand sur le mobilier des tombes du Languedoc occidental, l'autre de B. Dedet sur le tumulus du Frouzet (Gard) — n'aient pas donné lieu à des articles car leur absence prive cet "état de la question" d'une facette importante. La première partie du dossier pose les termes d'un débat (qui reste ouvert) en tentant de préciser la notion même d'ibérisme ; le second dresse, ensuite, le bilan des recherches sur l'habitat de la zone concernée, entre le début du VIe s. et le Ier s. av. n. è. Dans les deux parties suivantes sont présentées plusieurs études thématiques sur le

mobilier céramique ainsi qu'une approche de l'écriture ibérique en Languedoc-Roussillon.

Les divergences qui opposent les chercheurs sur la définition de l'ibérisme ou de l'ibérisation reposent sur deux conceptions que l'on peut ainsi résumer : la première caractérise l'ibérisme par un certain nombre de phénomènes parmi lesquels les plus importants sont l'apparition de l'habitat groupé, une organisation sociale plus structurée et une meilleure exploitation des ressources, la généralisation du fer et l'adoption du tour de potier, la diffusion de mobiliers caractéristiques et, enfin, l'usage de la langue et de l'écriture ibériques. Dans cette perspective, le rôle d' Emporion serait déterminant en tant que facteur dynamisant de la société indigène du Nord-Est péninsulaire, ainsi amenée à un certain degré de développement, et en tant qu'agent de la diffusion de l'ibérisme par le biais de son réseau commercial dont la limite orientale serait matérialisée par le fleuve Hérault. La seconde tendance propose une vision peut-être moins monolithique. Laissant de côté des manifestations telles que le perchement des habitats, la généralisation du fer, etc. — qui ne sont pas en effet l'apanage exclusif de la civilisation ibérique et qui participent, plus largement, d'une évolution commune à tous les sites indigènes du pourtour méditerranéen — , elle se concentre sur l'analyse des mouvements commerciaux considérés comme des stimuli pour les civilisations indigènes et sur les particularismes des habitats. Tout en admettant que le Languedoc- Roussillon et l'Ibérie ont entretenu des relations étroites, elle suggère que ces contacts ont sans doute été multiformes et qu'ils ont vraisemblablement impliqué des partenaires divers — on envisage en particulier des rapports avec le monde punique. Par ailleurs, l'évidence d'une forte influence grecque en Gaule même, étendue en tout cas jusqu'à Béziers, pousserait à reconsidérer le rôle prépondérant généralement attribué à Emporion. Sur la question des habitats et de leur développement, la table ronde n'a apporté que peu de nouveautés, hormis les